
« La Femme d’En Haut » de Claire Messud : colère d’une invisible
Romancière américaine, Claire Messud vient de publier La Femme d’En Haut, son cinquième roman, aux éditions Gallimard. Elle y dresse le portrait amer d’une femme sans histoire mais qui se révélera au fil des pages bien plus vivante que ce que le silence émanent de son petit appartement avait toujours laissé croire.
[rating=4]
Témoignage écrit à la première personne, confession qui porte en elle-même l’évidence du drame survenu, La Femme d’En Haut nous plonge dans les vicissitudes d’une femme américaine entre deux âges, institutrice, célibataire, voisine parfaite que personne ne remarque.
Sous cette apparente quiétude, derrière l’image lisse qui convient à tous ceux qui la regardent, Nora bout de l’intérieur. Terriblement en colère contre elle-même pour n’avoir pas eu le courage de ses ambitions de jeunesse, Nora est en rage contre le monde entier pour le sort cruel réservé aux femmes, ce « lavage de cerveau » subit dès le berceau et qui lui fait dire que « même les plus intelligentes d’entre nous finiront bêtes comme leurs pieds, elles aussi. »
Rêvant de projets artistiques dignes de ses envies, elle va, par le biais d’un de ses jeunes élèves, croire à nouveau que tout est encore possible. Se liant d’amitié avec Sirena, la mère de celui qui est aussi artiste, Nora va se sentir pousser des ailes, plongeant sans retenue dans la vie de ces nouveaux arrivants, voyant en cette rencontre la promesse d’une vie bien méritée. Toujours bonne copine, toujours discrète, si serviable et si lisse, vivant par procuration, Nora va jusqu’à plonger dans l’obsession et effleurer les contours de la folie.
Si l’intérêt maladif que Nora porte aux membres de cette famille, reflet impitoyable de sa propre détresse, est au cœur du roman, la banale cruauté de ceux-ci fait du récit bien plus qu’un simple portrait de femme. La Femme d’En Haut est aussi une critique de la violence des rapports humains, de la vanité et du monde intellectuel et artistique.
Après une première partie qui sait nous tenir en haleine, telle une confession intime inavouable que la narratrice nous livrerait en chuchotant, le livre de Claire Messud souffre de trop de longueurs qui perdent le lecteur sans rien apporter au récit. Malgré la justesse du propos, le personnage de Nora en devient agaçant et perd de son intérêt. La fin, si attendue, est bâclée en quelques pages. Surprenante oui, mais décevante.
La Femme d’En Haut de Claire Messud – Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par France Camus-Pichon. Editions Gallimard. Parution: Septembre 2014. 384 p. Prix: 21,50€.
Extrait: “J’ai toujours cru que j’irai plus loin. J’aimerais en vouloir à la terre entière de ce que j’ai échoué à faire, mais cet échec – qui prend parfois la forme d’accès de colère, qui me met tellement hors de moi que je pourrais cracher ma rage -, j’en suis au fond seule responsable. Ce qui a rendu les obstacles insurmontables, m’a cantonnée à la médiocrité, c’est moi, et moi seule.” (p 32)