
“La Barbe Ensanglantée” de Daniel Galera: un délice doux-amer
Dans ce long roman, Daniel Galera mêle avec talent légèreté et profondeur, le tout sur fond magnifique d’une partie du Brésil qui n’est pas forcément présente dans les idées « carte-postale » qu’on peut en avoir. Mettant en abîme plusieurs recherches, où l’enquête quasi-policière le dispute à la réflexion quasi-métaphysique sur les origines, il parvient à tenir en haleine le lecteur sans rien céder à la superficialité.
[rating=5]
C’est un livre doux et brutal, tranquillement ambigu comme un océan qui ronge la côte. L’histoire s’écoule, les intrigues gonflent puis retombent doucement comme la houle… avant la tempête. On craint un temps que le roman ne s’abîme dans un moralisme surfait, un fatalisme déprimant ou une ataraxie néo-bouddhiste. Il n’en est rien. Chacun de ces pièges est évité avec brio par l’auteur qui sait doser l’ironie et les retournements de situations.
Les personnages, bien taillés, se lancent parfois dans des discussions dont on n’arrive pas à savoir si elles sont profondes ou vaines, profondes et vaines, vainement profondes ou profondément vaines. Les dialogues ne s’embarrassent pas de guillemets, parce qu’après tout ils font partie du récit eux-aussi.
Et on entre dans la danse, gambergeant avec le héros, prenant partie pour l’un ou pour l’autre, et finalement acceptant avec un sourire qu’un trait d’esprit rappelle la futilité de l’échange.
On referme le livre paisible et amer. Et c’est délicieux.
Daniel Galera (traduit du portugais par Maryvonne Lapouge-Pettorelli), La Barbe Ensanglantée, Gallimard, Mars 2015, 512 pages, 24,90€
© visuel: couverture du livre