Fictions
« Mourir avant que d’apparaître » de Rémi David : Jean Genet et Abdallah

« Mourir avant que d’apparaître » de Rémi David : Jean Genet et Abdallah

02 January 2023 | PAR Julien Coquet

Le premier roman de Rémi David revient sur un projet fou de Jean Genet : faire d’un jeune Marocain un prodige du funambulisme.

Lui a quarante-quatre ans, est un écrivain reconnu grâce à Notre-Dame-Des-Fleurs, à Journal du voleur et à son mode de vie sulfureux (« Propulsé après-guerre par Cocteau puis par Sartre, qui forgèrent avec lui sa légende à la fois d’enfants voleur, de poète criminel et de génie des mots, Genet était devenu la nouvelle mascotte du monde littéraire. »). L’autre, Abdallah, n’a même pas vingt ans, vient du Maroc et a longtemps travaillé pour le cirque Pinder. Jean Genet et Abdallah font connaissance lors d’une soirée littéraire, deviennent amis, puis amants.

Rémi David, en plus de l’histoire d’amour, revient sur le projet totalement fou de Jean Genet. Lors d’un spectacle de la funambule allemande Camilla Meyer, Genet croit qu’il la soutient par son simple regard et que, s’il la quitte des yeux, Camilla Meyer peut tomber. Mais Abdallah lui-même ne serait-il pas intéressé pour « marcher sur un fil à dix mètres du sol » ? Emporté par l’amour qu’il porte à Genet, Abdallah accepte le projet. Le jeune Marocain devient alors l’élève de Genet, ce dernier se transformant en Pygmalion et en coach. L’entraînement est rude, la pression intense, et Abdallah chute : comment alors retrouver l’amour de Genet, qui semble se détourner du funambule ?

Dans ce premier court premier roman, Rémi David réussit un très beau portrait de Jean Genet, et de toute la « famille » qui l’accompagne, d’Abdallah à son ami poète Olivier au sculpteur Giacometti, à son amie Monique qui travaille chez Gallimard. On sent toute la folie de Genet, personnage littéraire pour lequel on ne peut avoir que des sentiments ambivalents. Rémi David transmet également l’amour qu’il porte à l’auteur de Les Bonnes, notamment l’admiration qu’il porte aux deux textes que sont Le Funambule et L’Atelier d’Alberto Giacometti qui « ressemblent à des eaux claires et ne sont pas tournés vers l’ombre exclusivement ». Tout en tension, Rémi David faisant monter le suspens (le numéro de funambulisme sera-t-il à la hauteur des espérances de Genet ?), Mourir avant que d’apparaître donne envie de (re)lire Genet et de suivre ce romancier.

« Il avait été séduit, d’emblée, par ce garçon de dix-huit ans quand lui en avait quarante-quatre. Par son œil d’une malice et d’une gentillesse qui étaient extraordinaires et par l’éclat de son sourire. Il n’était pas très grand, de la taille à peu près de Genet, un visage tendre, des traits fins, le cheveu court, une voix douce, très attentif, discret. Selon la manière de le considérer, on pouvait lui trouver un air fort masculin ou presque féminin. On sentait très intensément, dans la profondeur de son regard, une fragilité qui se donnait les apparences de la force, à peine cachée dans ces yeux sombres qui semblaient s’excuser, toujours, à l’idée de, peut-être, vous déranger. »

Mourir avant que d’apparaître, Rémi DAVID, Editions Gallimard, Collection Blanche, 176 pages, 18 €

Visuel : Couverture du livre

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