
“Eux”, de Claire Castillon : la femme enceinte était en noir
L’auteure caustique des Merveilles (2011, Grasset) et des Couplets (2013, Grasset) passe aux éditions de L’Olivier pour un récit bien noir fait par une femme enceinte un peu schizophrène et piégée par des parents passifs agressifs. Délicieusement décalé.
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Enceinte et seule chez elle, la narratrice très enceinte entend des voix un peu gênantes. Ces dernières lui parlent notamment sur un mode très cochon de son homme – le père de l’enfant- un type bien et alpiniste à ses heures. A ces voix se superposent les plaintes des parents, “eux”, ceux qui lui rendent la vie impossible en la dévalorisant sans cesse et en amenant, sans cesse et sans y toucher, les sujets les plus angoissants sur le devant de la scène. Enfermée et claustrophobe, l’héroïne un peu spéciale de ce roman trouvera-t-elle une manière vivable de devenir mère?
Dans un style à la fois oral et cru, fluide et heurt, Claire Castillon déverse un fiel si parfaitement acide qu’il en devient beau. A la fois familier et fou, ce roman de l’enfermement parle à tous ceux et celles qui sont restés – tant que l’enfant ne parle pas – trop seuls avec eux-mêmes.
Claire Castillon, Eux, L’Olivier, 156 p., 16 euros. Sortie le 06/03/2014.
“Petite poule, un enfant, tu en prends pour vingt-cinq ans, toi qui aime être tranquille pour travailler, quelle idée, as-tu pensé, au moins, que le père pouvait se barrer? Il t’a fait un enfant seulement pour te coincer. Un enfant est du plomb, qui pèse, toute la journée. Et la nuit, je t’en parle pas, le sommeil, désormais, ce sera sur une oreille. Du bonheur? Quelquefois. Mais jamais très longtemps. Beaucoup d’ingratitude, des reproches“. p. 67.