
“Désintégration” d’Emmanuelle Richard : la haine au cœur du récit
Les Editions de l’Olivier publient dans le cadre de leur rentrée littéraire Désintégration, le nouveau roman d’Emmanuelle Richard, qui, il y a deux ans, avait saisi la presse et les lecteurs avec Pour la peau, un roman cru et sincère qui était parvenu à saisir la violence et l’impossibilité d’explication de la passion. Changement de registre.
[rating=3]
Il est de ces romans qui vous attrapent et vous pressent les sens. C’était le cas de Pour la peau, lauréat du Prix Anaïs Nin et du Prix Marie-Claire du roman féminin. Le lecteur se retrouvait propulsé au cœur d’une relation à bien des égards banales, mais qui avait pris aux tripes la narratrice. Les mots d’Emmanuelle Richard étaient perçants, sans équivoque. C’était d’une beauté crue, presque sauvage.
Changement de registre donc, avec ce tout nouveau roman tout juste paru aux Editions de l’Olivier. Dans Désintégration, Emmanuelle Richard n’a rien perdu de son mordant, son pinceau est toujours aussi aiguisé mais cette fois-ci, elle le met au service de la haine. Et c’est nettement moins addictif.
Dans ses oreilles, PNL, Booba, Damso, Seth Gueko ou NTM. Les voix de ceux qui n’en ont pas. Et c’est sans doute comme cela que se place la narratrice qui écrit la vérité de la pauvreté dans la grande ville, celle de se comparer sans cesse à la masse riche. Se sentir rabaissée, méprisée, à peine considérer. Devoir accepter d’entendre parler de soi à la troisième personne.
Entre les lignes bien sûr, la jalousie, l’envie, la tristesse aussi sans doute. Mais la violence est réelle, la souffrance aussi. La jeune femme, étudiante, ne s’en sort pas malgré les petits boulots et tente de l’expliquer quand autour d’elle, tout n’est qu’argent.
“J’avais beau être moi-même une étudiante avec des velléités d’écriture, je les haïssais avec violence, tous autant qu’ils étaient. “
Elle rêve d’écrire, de devenir quelqu’un sans vraiment se l’avouer. Elle le deviendra mais ne sera jamais des leurs, en viendra presque à regretter d’en faire partie désormais, de ce microcosme qu’elle détestais jadis.
Désintégration est un roman déstabilisant. C’est un roman ouvertement ampli de rage, écrit et assumé comme tel. Un journal comme un de ceux qu’on pourrait trouver sur la table d’un de ces déséquilibrés qui un jour, finissent par péter le câble de trop. Ou alors, juste la voix sincère d’une population écrasée par une autre. C’est un roman qui, inévitablement, se lit avec l’expérience qui est la nôtre et qui, alors, sera jugé en fonction.
Emmanuelle Richard, Désintégration, Editions de l’Olivier, 16,50€, 208 pages.
Date de parution : 30 septembre 2018
Visuel : ©DR