“Vidéoactivismes” : retour sur un siècle de prises de vues politiques
La chercheuse Ulrike Lune Riboni, maîtresse de conférences en sciences de l’information à Paris VIII, revient sur plus d’un siècle de prises de vues à visée politique.
C’est la révolution tunisienne qui fut à l’origine de ce travail : l’affirmation de militantes et militants selon laquelle “sans les images, le soulèvement n’aurait pas eu lieu”. Plus que le pouvoir des images lui-même, c’est cette croyance quasi-magique que l’universitaire interroge.
Pour ce faire, elle ordonne son livre de façon chronologique : en rappelant le rôle des photographies dans la typologie des “femmes hystériques” par Charcot ou dans le fichage des Communard·es par Appert, elle met en évidence l’ambivalence de la prise de vue, qui peut être autant du côté des institutions que de celui des insurgé·es. Le sens de l’image dépend en effet assez largement de celui ou celle qui regarde, comme l’a montré le travail de Laura Mulvey sur le male gaze dans le cinéma hollywoodien des années 1930-1960 (voir notre critique du livre d’Iris Brey ici). Dès lors, le rapport des mouvements révolutionnaires à la photographie, puis au cinéma ou à la vidéo, est fluctuant, passant d’une nette méfiance au début du XXe siècle à un usage militant affirmé, celui de documenter l’histoire ouvrière ou africaine-américaine, comme celui, plus récemment, d’attester de la réalité des violences policières.
Ce dernier rôle rejoint assez largement le noème attribué par Barthes à la photographie : “Ça a été”. Or, nous montre Ulrike Lune Riboni dans un dernier chapitre intitulé “Œil pour œil”, ni la photographie, ni la vidéo ne sont aussi simples. Si celles et ceux qui les brandissent comme preuves veulent en faire des garant·es de vérité, une caméra ne retranscrit bien évidemment pas la même chose selon qu’elle est portée par un policier (les fameuses caméras-piétons) ou par un·e militant·e. La confiance en ces images et en leur pouvoir de conviction relèverait donc davantage de la pensée magique que d’une quelconque réalité.
Si le livre de Ulrike Lune Riboni passe un peu vite sur l’histoire de l’usage politique des photos et vidéos, son travail sur le point de vue mérite qu’on s’y attarde.