Essais
« Les Monologues du vagin » d’Eve Ensler : V-day et autres combats féministes

« Les Monologues du vagin » d’Eve Ensler : V-day et autres combats féministes

04 March 2021 | PAR Julien Coquet

Les éditions Denoël publient à nouveau Les Monologues du vagin dans une version intégrale, Eve Ensler ayant peu à peu intégré 11 nouveaux textes depuis la parution des premiers monologues en 1998.

Vagin. V-A-G-I-N. Maintenant, dites-le à voix haute. Voilà, c’est fait. Que ressentez-vous ? Pour certains et certaines d’entre vous, le mot sonne étrangement. Comme quelque chose que l’on devrait taire et cacher. « Celui dont on ne doit pas prononcer le nom » pour reprendre Harry Potter. Et pourtant, comme l’explique Eve Ensler, chaque mot est important. Celui désignant le sexe de la femme l’est d’autant plus. « Si une chose n’est pas nommée, elle n’est pas vue, elle n’existe pas. »

En 1998, dès leur parution aux Etats-Unis, Les Monologues du vagin récoltent succès public et critique. Prononcé 128 fois dans la pièce originale, le mot « vagin » revient tel un mantra, pour mieux conter les histoires de femmes qu’Eve Ensler a entendues. Les entretiens menés auprès de plus de 200 femmes conduisent l’auteure à dresser des portraits touchants, drôles et parfois un peu tirés par les cheveux (« Si votre vagin pouvait parler, que dirait-il, en deux mots ? »). Cette pièce de théâtre tant donnée, notamment de l’autre côté de l’Atlantique, a ainsi présenté au public la sexualité féminine. On y rencontre des questionnements sur les poils, la découverte de l’orgasme, l’exploration de l’appareil anatomique, des hommes et des femmes qui aiment les vagins.

Au cours du XXIème siècle, Eve Ensler devient alors une voix essentielle de la nouvelle génération féministe. La pièce est qualifiée de « pièce de théâtre politique sans doute la plus importante de la décennie » par le New York Times. Le 14 février, la Saint-Valentin est couplée au V-Day, une journée d’actions contre les violences faites aux femmes. Le succès, on le sent à la lecture des nouveaux monologues, a transformé la matière des textes. Plutôt que du parler du sexe féminin, les onze textes inédits se concentrent sur les violences faites aux femmes. « J’ai l’espoir qu’en racontant ces histoires où des femmes souffrent, elles seront guéries ». Le lecteur voyage alors entre Islamabad, les pays arabes, les réserves indiennes, etc. et y rencontre des femmes transgenres (très beau « Ils ont cogné le garçon pour en faire sortir la fille…du moins ils ont essayé »), les « femmes de réconfort » de l’armée japonaise, des femmes violées, brisées, humiliées.

Impossible de nier l’importance de la pièce d’Eve Ensler. Apportons toutefois un bémol : malgré une entreprise tout à fait louable, la lecture de ces textes est quelque peu rébarbative. Sans mise en scène, sans intonation, sans public, Les Monologues du vagin perdent de leur caractère sulfureux et de leur puissance politique. Lorsque les salles de théâtre rouvriront, parions que Les Monologues du vagin sauront trouver leur chemin et être incarnés sur les planches.

« J’aime les vagins. J’aime les femmes. Je ne les considère pas comme deux choses différentes. Les femmes me paient pour les dominer, pour les exciter, pour les faire jouir. Je n’ai pas toujours fait ça. Non, bien au contraire : j’ai commencé dans la vie comme avocate. Mais à l’approche de la quarantaine, je suis devenue obsédée par l’idée de rendre les femmes heureuses. Il y avait tant de femmes insatisfaites. Tant de femmes qui n’avaient pas accès à leur bonheur sexuel. Ça a commencé comme une sorte de mission, mais ensuite je m’y suis totalement investie. Je suis devenue très bonne à ce jeu, particulièrement brillante même. C’était ma forme d’art. J’ai commencé à me faire payer pour ça. C’était comme si j’avais trouvé ma vocation. Le droit fiscal m’est alors apparu profondément ennuyeux et inutile. »

Les Monologues du vagin, Eve Ensler, Denoël, 192 pages, 17 €

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Julien Coquet

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