Essais
« Depuis que je vous ai lu, je vous admire » de Catherine Sauvat : Rencontres au sommet

« Depuis que je vous ai lu, je vous admire » de Catherine Sauvat : Rencontres au sommet

25 August 2021 | PAR Julien Coquet

Explorant les visites d’écrivains à leurs maîtres, Catherine Sauvat nous fait part de croustillantes anecdotes et nous livre surtout une belle définition de ce qu’aimer veut dire.

Les fans d’aujourd’hui sont-ils aussi pénibles que ceux d’hier ? A la lecture de Depuis que je vous ai lu, je vous admire. Visites d’écrivains à leurs maîtres, on est en droit de se poser la question. Certes, les Hugo, Verlaine, Thomas Mann et confrères évitent les selfies gênants et les dédicaces, mais ils doivent tout de même se coltiner (car il n’y a pas d’autres mots) quelques admirateurs parfois trop insistants. Tout l’art de ces rencontres dépeintes tient au parfait équilibre entre entretiens réussis et occasions ratées. Car connaître l’œuvre d’un écrivain est une chose, approcher l’homme en est une autre.

Plusieurs faits surprennent à la lecture de ce livre. Tout d’abord, c’est celui du statut de l’écrivain. Véritable star, l’auteur célèbre peut être reconnu dans la rue, acclamé et mobiliser les foules (environ 3 millions de personnes aux funérailles de Victor Hugo, pour rappel). Ainsi, lorsque Dickens, l’auteur d’Oliver Twist, débarque aux Etats-Unis en février 1842, la fatigue le submerge, « fêté tant et si bien qu’il se plaint d’une pénible sensation de se donner en spectacle et de ne rien pouvoir faire sans que tout prenne l’allure d’une « foire » ». Ensuite, la surprise vient de l’effet que font ces écrivains auprès d’autres écrivains, bien souvent jeunes. L’amour, et in fine l’admiration, n’a pas d’âge : c’est par exemple Truman Capote qui rend visite à Colette en 1948 alors que cinquante ans les sépare, ou alors Carson McCullers et Tennessee Williams qui accueillent gentiment et chaleureusement la jeune Françoise Sagan, 19 ans.

Une ode à la littérature

Le sentiment qui se dégage le plus de Depuis que je vous ai lu… serait sûrement l’amour, amour d’un homme derrière des textes et, surtout, amour de la littérature. Les jeunes auteurs cherchent à tout prix à rencontrer leur idole et à déclarer leur flamme à tel texte. Bien sûr, certains sont beaucoup plus terre-à-terre et cherchent un appui pour entrer en littérature. Quoiqu’il en soit, les échanges seront forcément surprenants, déroutants, agressifs, cordiaux, etc. Comme Elias Canetti, amoureux inconditionnel de Karl Kraus, qui s’éloignera de son modèle à cause de ses positions politiques.

Au-delà d’être un réservoir à anecdotes, Depuis que je vous ai lu… se présente aussi comme une ode à la littérature grâce à la manière de raconter de Catherine Sauvat. Avec un ordre chronologique classique, l’auteure parvient à dérouler un fil d’une rencontre à une autre, comme Gide qui a visité Verlaine, qui a visité Hugo, qui a visité Chateaubriand. Il se dessine finalement une cartographie des affinités du paysage littéraire français et international. Notons enfin la belle postface dans laquelle Catherine Sauvat évoque l’influence que ces scènes de la vie passée ont sur sa vie quotidienne.

« Fin mai 1857, le Danois [Hans Christian Andersen] quitte son pays et, comme par magie, surgit dix jours plus tard à Gad’s Hill, la résidence de campagne des Dickens, dans les environs de Londres. A peine est-il arrivé qu’il s’étonne de n’avoir personne pour le raser le matin : il souhaiterait, ainsi que le veut apparemment la coutume de son pays, que le fils de famille s’en charge. Pour répondre à cette attente farfelue, ses hôtes préfèrent lui mettre une voiture à disposition qui le conduira tous les jours chez un barbier à Rochester. Andersen leur fournit un autre sujet de surprise lorsque, lisant une critique négative d’un de ses livres, il se jette à terre en sanglots, la tête enfouie dans le gazon. De fait, son humeur passe vite du sourire à l’abattement. Ainsi, lors d’un dîner, quand il n’est pas au centre de l’intérêt général, peut-il tout à coup s’assombrir. »

Depuis que je vous ai lu, je vous admire. Visites d’écrivain à leurs maîtres, Catherine Sauvat, Fayard, 256 pages, 20,50 €

Date de parution : 25 août 2021

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Julien Coquet

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