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Dans “Nouvelles Dramaturgies d’Haïti. Des écritures pour la scène”, douze auteurs nous emmènent dans des textes vibrants !

Dans “Nouvelles Dramaturgies d’Haïti. Des écritures pour la scène”, douze auteurs nous emmènent dans des textes vibrants !

02 October 2022 | PAR Chloé Coppalle

Ce Jeudi 29 septembre est marqué par le lancement de l’anthologie Nouvelles Dramaturgies d’Haïti. Des écritures pour la scène, aux Zébrures d’Automne 2022, dans laquelle l’écrivain Guy Régis Jr réunit 12 jeunes poètes afin de diffuser le travail des nouvelles générations. Donnant à entendre des écritures énergiques et bien trempées, la sélection est réussie.

Cette année, l’écrivain, metteur en scène et traducteur Guy Regis Jr, est aux Zébrures d’Automne des Francophonies pour sa pièce L’amour est une cathédrale ensevelie. C’est l‘occasion également de présenter un autre projet important : la publication des Nouvelles Dramaturgies d’Haïti. Des écritures pour la scène. Ce recueil rassemble les textes de douze jeunes dramaturges, six hommes et six femmes afin de montrer la diversité des auteur.e.s : « Il faut qu’on le fasse de plus en plus, aller chercher les femmes ». Le choix de Guy Régis Jr est pertinent, car dans d’autres domaines artistiques comme l’univers muséal, il semble parfois difficile de pousser deux tableaux de Picasso pour y mettre au milieu celui d’une peintre méconnue que l’histoire a mise de côté car elle l’a pensée amateure.

De l’absurde, du slam et du rythme !

Un des premiers points qui frappe la lecture de cette anthologie est la musicalité des écritures. La prose que Jean d’Amérique utilise dans Avilir les ténèbres pour parler de la violence familiale et conjugale à travers le personnage d’Yvana rappelle celle du rappeur de Gaël Faye dans le titre Respire. Dans Fuck Dieu, Fuck le vodou, je ne crois qu’en mon indexe, Rolaphton Mercure s’est inspiré de l’univers musical dont il vient, le slam, pour parler de la situation politique actuelle en Haïti. Ce thème, fil conducteur des douze pièces, est également traité par Gaëlle Bien-Aimé sous le prisme de l’insurrection, avec deux personnages pris au piège d’une manifestation dans Que ton règne vienne. De son côté, France Medeley Guillou questionne ce rapport au pouvoir en le transposant au sein du cocon familial dans Gouvernance.

Parallèlement aux références musicales, l’emploi de l’absurde apporte un dynamisme fort à quelques uns des douze textes réunis ici. Djevens Fransaint s’inspire de Ionesco dans Le bal de l’incontinence, tout comme Naïza Fadianie Saint Germain pour Le Purgatoire dans lequel elle organise une leçon de grammaire entre Linda Lovelace (1949-2002), actrice de cinéma pornographique connue grâce à son rôle dans Gorge Profonde (1972), Lili Elbe (1882-1931), peintre danoise faisant partie des premières femmes transgenres a avoir changé de genre chirurgicalement, et deux personnages fictifs : Juliette Capulet (la Juliette de Roméo et Juliette), et Tamar, personnage biblique. Il y a un peu de Virginie Despentes aussi, dans la manière dont Linda Lovelace s’adresse à la sage Juliette, la poussant sans jugement à avoir le droit de dire qu’elle désire. De son côté, Ducarmel Alcius imagine dans Des fous en apothicaires étales une rencontre entre Karl Marx, Mona Lisa, Mona Lisa sans fard (clin d’œil à la Joconde rasée de Marcel Duchamp, 1965), des fous et des passants. Ces rencontres insolites donnent une touche d’humour agréable à la lecture et lui évite d’être plombant. En effet, loin d’être larmoyant, l’absurde permet d’aborder sans lourdeur des thématiques communes comme la sexualité, ou des sujets graves comme le rôle de l’État, l’éclatement et la violence familiale, l’image publique des femmes, ou encore la mort, dans Un an un jour après la mort de James Saint-Félix.

Les tirs, les balles, la perte

La mort est un des sujets centraux de l’anthologie. Dans Pour que le monde s’en souvienne, Erickson Jeudy évoque le deuil d’un fils assassiné à Port-au-Prince. L’histoire rappelle un pan du film Freda, de Gessica Généus, diffusé le 29 septembre 2022 à l’Opéra de Limoges, également dans le cadre du festival. Le long-métrage dépeint la crise civile et politique dans laquelle est actuellement plongé Haïti. On y voit la famille se cacher dans la maison quand des tirs explosent dans leur rue. Mais où est Moïse, le frère de Freda ? Est-il en vie ? A-t-il pu échapper aux balles ? Quelques jours plus tôt, c’est son compagnon qui a été blessé. Comme si la pièce de Erickson Jeudy était un arrêt sur image du film de Gessica Généus. La perte d’un être cher par meurtre est un fil rouge qui parcours l’ouvrage. Andrise Pierre, qui perdit son frère Stevenson Oczéus en 2015, décida également de lui rendre hommage avec Vidé mon ventre du sang de mon fils. Dans ce texte brut, elle retrace le parcours d’une femme revenant sur son histoire, de la naissance de son fils à son assassinat impunis par la justice, comme celui de Stevenson Oczéus.

Enfin, Joeanne Joseph et Darline Gilles mettent à l’honneur la langue créole dans Rèv boukannen et Gouyad Senpyè !

 

En somme, les douze textes des Nouvelles Dramaturgies d’Haïti sont poignants. Loin de tout misérabilisme, les douze auteurs transportent le lecteur au sein des deux tomes grâce à des lectures énergiques et des écritures bien pensées !

 

Visuel : 1ère de couverture du Tome I.

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Chloé Coppalle

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