
Dans ma tête, je m’appelle Alice, de Julien Dufresne-Lamy: un voyage bien éloigné du Pays des Merveilles
Voici un premier roman qui a beaucoup fait parlé de lui lors de la Rentrée Littéraire. Cet ouvrage au titre prometteur a bel et bien gagné l’approbation de la critique. Pari gagné donc pour Julien Fresne-Lamy qui fait une entrée très appréciée dans le petit monde des auteurs. Avec un sujet poétique et original, il plonge le lecteur dans la tête de son héroïne où se bousculent et s’entremêlent fantasmes et réalité. Pour celle qui n’a pas de prénom mais qui se rêve en Alice, la vie n’est pas quelque chose d’aisément supportable. Heureusement, la littérature et ses personnages lui tirent la tête hors de l’eau…
A l’aube de ses trente ans, cette jeune femme, futur docteur en mathématiques, regarde en arrière et se demande comment et pourquoi elle en est arrivée là. Par de nombreux flash back, elle se souvient. De la Reine, sa mère, alcoolique frénétique et fantasque, de son père peu enclin à endosser le rôle du Roi, d’un frère bagarreur, ennemi juré et bourreau de son enfance. Au milieu de ce royaume perdu, la petite fille d’alors s’invente un monde parallèle, rempli des héros de ses lectures. Parce que la réalité est trop difficile, parce qu’elle est aussi bien moins fascinante que dans les livres.
« Mon armée de livres, je m’en sers comme d’une prothèse. Elle est ma branche d’arbre et je suis son hibou, ce dépressif à plumes qui, la nuit, s’agrippe à elle en dégustant le noir. »
En grandissant, la fillette se crée un monde rien qu’à elle, à l’abri des regards. Observant ceux qui l’entourent, elle porte un regard froid et sans concession sur cette drôle de chose qu’est la famille, sur ses névroses et ses non-dits.
Mais lorsqu’on refuse le monde, il est compliqué d’en faire partie…Adulte, dans son 2 pièces où jamais personne ne vient lui rendre visite, elle épie les passants qui défilent derrière ses fenêtres. Comme dans un ilôt protégé, notre héroïne poursuit son chemin, dans une vie où elle est l’unique personnage. Mais les trente ans approchent, le titre de “docteur en mathématiques” aussi et avec comme une envie de tourner la page, d’écrire une nouvelle aventure…
Comme une succession de tableaux qui ne respecte ni logique narrative ou chronologique, le roman de Julien Dufresne-Lamy ne rend pas la lecture facile, ni agréable. Les phrases courtes qui s’enchaînent brutalement, comme des images qui défilent trop vite, le rythme saccadé qui nous enferme entre les mots, bloquent systématiquement l’élan du lecteur. Malgré un propos original et un titre qui nous faisait rêver, nous avons eu du mal à suivre cette héroïne dans les méandres de ses pensées. Même si l’auteur a sans aucun doute le sens de la formule, nous attendions plus de poésie face à ce titre évocateur. Ce premier roman ressemble plus à un exercice de style bien maitrisé qu’à une rêverie littéraire qui nous aurait emmené au Pays des Merveilles…Ce qu’on avait espéré. Dommage.
Dans ma tête, je m’appelle Alice de Julien Dufresne-Lamy. Editions Stock. Septembre 2012. 216p. Prix: 18,5€.