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Bellone ou la pente de la guerre : Roger Caillois analyse la place du conflit armé dans nos sociétés modernes

31 October 2012 | PAR Yaël Hirsch

Essai datant des années 1950, “Bellone ou la pente de la guerre” de Roger Caillois oscille entre anthropologie et histoire et replace une notion à la fois mythique et repoussoir dans le cadre industriel des sociétés modernes.Un livre intéressant et encore étrangement d’actualité malgré tous les changements des 60 dernières années. En poche dans la collection Champs Flammarion et en librairies depuis le 19 septembre 2012.

Bien que non spécialiste de la question de la guerre, l’auteur de “l’homme et le sacré” a été encouragé par quelques proches à livrer en deux fois son analyse sur la question. L’essai se compose ainsi de deux partie : un retour historique sur l”histoire de la guerre, qui commence dans la Chine impériale mais passe bien vite à nos guerres de Seigneurs avant de lier la naissance de l’État moderne à la guerre et la démocratie à la conscription pour tous. Une lecture classique donc, mais bien référencée et extrêmement bien écrite. C’est la deuxième moitié qui est la plus originale: Caillois y explique pourquoi une violence que tous considère comme un mal absolu est en fait également une expérience-limite qui se situe au cœur d’une nature humaine trop corsetée par une civilisation désenchanteresse. Il y a du sacré dans le bas-ventre de la guerre, qui explique peut-être en large part sa capacité à perdurer dans un système aussi internationalisé que le notre. Ce qui ne veut pas dire que la manière de la faire n’a pas évolué.

Bien sûr, depuis 1954, centaines choses datent dans cet opus :  l’arme atomique n’est que brièvement évoquée dans la conclusion, le totalitarisme évalué un peu rapidement et le terrorisme est absent. Un livre qui ne permet pas de prendre en compte les questions de l’ingérence de la même manière qu’un Michael Walzer a du le traiter dans son classique “Guerres justes et injustes”, cinquante ans après.  Mais la part accrue de souffrance de la population civile est bien prise en compte; quant au large scope sur le développement historique, il décrit des phénomènes qu’on ne détaillerait pas autrement aujourd’hui. Enfin, bien que sommaire, la vision anthropologique sur la part nécessaire de violence brute que la guerre vient assouvir en l’homme est convaincante et délicieusement bien écrite.

Roger Caillois, “Bellone ou la pente de la guerre”, Flammarion, collection “champs essais”, 285 p., 9 euros. Sortie le 19 septembre 2012.

On compare avec insistance la guerre aux accouchements, non seulement parce qu’elle est à la fois sanglante, douloureuse et féconde, mais aussi parce qu’elle exprime sans intermédiaire les bas-fonds des sociétés, les poussées viscérales nécessairement horribles que l’intelligence ne saurait comprendre ni contrôler.” p. 215.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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