Beaux-Livres
Shin hanga, merveilles de l’estampe moderne

Shin hanga, merveilles de l’estampe moderne

26 October 2022 | PAR Laetitia Larralde

Les éditions Hazan poursuivent leur exploration de l’art japonais, et plus particulièrement de ses estampes, avec Shin hanga, un beau livre qui s’intéresse aux artistes de la gravure sur bois du XXème siècle.

Dans le monde entier, l’invention de la photographie dans la deuxième moitié du XIXème siècle marque un tournant pour l’art dont le but initial était la représentation, plus ou moins idéalisée, de la réalité. Ainsi, au Japon, l’estampe qui avait connu son apogée au XIXème siècle avec des artistes du courant ukiyo-e comme Hokusai, Hiroshige ou Utamaro, perd de sa popularité. Le nombre d’artistes et d’éditeurs diminue tandis que le pays se transforme très rapidement pour se mesurer à la modernité occidentale.

Mais avec l’ouverture du pays arrivent les touristes étrangers, attirés par la culture traditionnelle du Japon, et ceux-ci aiment les estampes et ses vues nostalgiques. Certains éditeurs, tel que Watanabe Shôzaburô, cherchent alors à relancer cet art de la xylogravure tout en renouvelant le style des images. Elles sont vendues avec beaucoup de succès à l’exportation, mais l’éditeur s’intéresse également au marché intérieur afin de ne pas laisser tous les chefs-d’œuvre fuir le pays. Ainsi naît le Shin hanga, la nouvelle estampe.

Ce mouvement se distingue par l’utilisation de couleurs plus vives et de motifs plus proches du quotidien. Les femmes représentées ne sont plus des courtisanes mais des modèles anonymes aux émotions plus marquées, et les paysages ne se focalisent plus sur les points de vue exceptionnels. La production est beaucoup moins importante qu’au XIXème siècle (on compte environ 3000 estampes pour le Shin hanga alors qu’Hiroshige à lui seul en avait créé plus de 7000), mais les éditeurs essayent de produire des images de qualité pour un public plus sélectionné.

En parallèle du Shin hanga se développe le Sôsaku hanga, l’estampe créative, où l’artiste contrôle tout le processus de création et de fabrication de l’estampe, avec des tirages plus limités et numérotés, sur des sujets souvent engagés. Ces estampes ne sont pas montrées ici, l’ouvrage se concentrant sur le Shin hanga, mais certains des artistes comme Yoshida Hiroshi ont un processus à cheval sur les deux mouvements. Le Shin Hanga met l’accent sur la perfection technique, dont les graveurs et les imprimeurs font preuve au service des œuvres des artistes tels que Kawase Hasui, Itô Shinsui, Kasamatsu Shirô ou Kobayakawa Kiyoshi.

Le livre établit une rupture nette entre les estampes produites avant et après le grand tremblement de terre du Kantô de 1923. Tokyo est détruite, et avec elle les ateliers des éditeurs et des artistes, faisant disparaître les croquis et les matrices en bois dans l’incendie qui a suivi. La seconde guerre mondiale, pendant laquelle Tokyo est à nouveau ravagée, signera le déclin du Shin hanga.

De ces quelques décennies, nous pouvons admirer des œuvres incroyables oscillant entre l’attrait pour la modernité et la nostalgie du Japon traditionnel. Shin hanga nous présente 350 reproductions comme les paysages et les temples enneigés de Kawase Hasui à couper le souffle de beauté ou la finesse sublime des variations de couleur d’Itô Shinsui. Le gaufrage de certaines estampes (les plumes de l’aigrette d’Ohara Koson ou les courbes du nu de Takahashi Hiroaki par exemple) est bien rendu malgré la subtilité de l’effet, et nous fait profiter encore un peu plus de la délicatesse et du raffinement de ces œuvres.

Avec ce beau livre, les amateurs d’estampe japonaise pourront approfondir leur connaissance de cet art incroyablement riche tout en découvrant de nombreux chefs-d’œuvre d’un monde aujourd‘hui disparu.

Shin hanga – Les estampes modernes du Japon – 1900-1960
De Chris Uhlenbeck
224 pages, 35€ – Hazan

Visuels : couverture et pages intérieures du livre

Après 20 ans, l’intarissable rock de “The Libertines” résonne encore
Agenda des sorties cinéma du 26 octobre et des projections spéciales Halloween
Avatar photo
Laetitia Larralde
Architecte d'intérieur de formation, auteure de bande dessinée (Tambour battant, le Cri du Magouillat...)et fan absolue du Japon. Certains disent qu'un jour, je resterai là-bas... J'écris sur la bande dessinée, les expositions, et tout ce qui a trait au Japon. www.instagram.com/laetitiaillustration/

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration