Dakota tome 1 de Jean Dufaux et Philippe Adamov
Scénario de Jean Dufaux, dessin de Philippe Adamov et couleurs de Greg Salsedo
Un collapse, autrement dit un homme ordinaire dans un monde où l’exceptionnel est devenu la règle, décide un soir d’aller déguster un délicieux risotto dans un restaurant dont l’entrée devrait lui être refusée. Sa simple présence entraîne un raz- de- marée sans précédent. L’homme se retrouve traqué comme une bête et serait condamné à mort pour avoir commis une faute jugée impardonnable, avoir oublié qu’il ne faisait pas pas partie de l’élite. Quand son chemin croise celui de plusieurs super héros, la traque se fait multiple et haletante.
Jean Dufaux est partout en ce moment. Il multiplie les scénarios, tous plus excellents les uns que les autres dans les genres les plus divers: il signe en ce moment entre autres Barraccuda, Complainte des landes perdues tome 3 du cycle 2, Conquistador mais aussi Saga Valta tome 1 ( qui bénéficie également d’une exposition à la galerie Napoléon, voir nos différents articles). Toutefois, cet immense scénariste, ce monument vivant de la bande dessinée s’est davantage illustré dans des intrigues historiques teintées de fantastique comme les séries Croisade et Murena que dans la science-fiction futuriste, ce qu’est Dakota. Cela ne l’empêche pas de nous tenir tout autant en haleine dans cette saga visionnaire que dans celles qui nous entraînaient dans le passé. A ses côtés, Philippe Adamov au dessin, un vieux complice puisqu’ils avaient travaillé ensemble sur la saga en quatre tomes: L’Impératrice rouge. Le dessin de ce dernier, froid et moderne, avec des personnages aux traits de glace et aux allures menaçantes nous fait frissonner quand à ce possible devenir de l’humanité. Une intrigue haletante servie par des plans très cinématographiques.
Collapse signifie éboulement, effondrement ou renversement. Rien d’étonnant à ce que soit définis ainsi ceux qui troublent le monde prétendument parfait des super-héros de cette bande dessinée. Ces derniers prétendent éradiquer toute faiblesse, toute maladie comme pour repousser la peur et la mort. Le seul fait qu’un homme saigne du nez dans un restaurant déclenche un mouvement de panique et la mort de la personne jugée responsable de cette incursion indésirable. Dans cette humanité devenue inhumaine, le seuil de ce qui est tolérable est extrêmement faible. De ce fait, ceux qui dérogent à la norme établie sont traqués sans pitié parce qu’ils ne seraient pas à la hauteur. Mais à la hauteur de quoi? De simuler la perfection? Cette bande dessinée présente une belle réflexion sur notre société actuelle et son désir d’avoir toujours plus. Est -ce cela l’être humain? Un être jamais satisfait de son sort s’il n’atteint pas la perfection? Impossible de ne pas se sentir concerné par une telle intrigue qui nous emmène dans un Londres froid, inhumain, presque apocalyptique où les libertés de l’homme ne sont plus qu’un lointain souvenir. A dévorer sans tarder.