Fictions
« Le Domaine des Douves » de Benjamin Planchon : Au royaume des monstres

« Le Domaine des Douves » de Benjamin Planchon : Au royaume des monstres

30 November 2022 | PAR Julien Coquet

Second roman plein de fantaisies, Le Domaine des douves s’inspire du meilleur du fantastique pour créer un monde.

Il y a d’abord, en première de couverture, ce détail d’un tableau de Jérôme Bosch, Le Jardin des délices. Cette étrange fleur à laquelle des hommes nus sont accrochés, alors qu’au premier plan, un groupe d’hommes, toujours nus, rentre dans une coquille d’œuf. Puis il y a cette introduction, faisant directement référence à Bosch : « La toile n’a pas de centre ou de scène principale. […] L’observateur doit presque se coller au tableau pour en saisir les détails. » Et puis il y a bien sûr ce personnage principal, peintre copiste, qui ne veut pas retourner sur les lieux de son enfance, qui ne cherche pas à oublier mais qui n’aime tout simplement « pas ressasser ».

Mais Clovid Cardinaud est bien obligé de revenir au domaine des Douves. L’extravagante grand-mère, Phéodora, est décédée dans l’incendie du domaine familial. « Cette ombre morne, ennuyeuse, que je n’avais jamais vue sourire et qui ne parlait qu’en aboyant », Clovis est obligé d’aller en identifier le cadavre. De retour sur les lieux de son enfance, accompagné par le commissaire Mehouad lui-même accompagné de magnifiques cerfs, Clovis se souvient de moments marquants, de toute la folie qui animait le domaine des Douves. Au domaine, c’est surtout la faune et la flore qui dépareillent, tels ces croqueurs qui ont développé une technique bien particulière pour survivre (« en mourant, ils mordaient quelque chose qui devait être le cours du temps, qu’ils parvenaient à inverser pour revenir à un instant où ils étaient encore en vie ») ou ces tiques géantes élevées dont on traite et récupère le lait.

On sent les influences de Benjamin Planchon en lisant Le Domaine des Douves : Lovecraft, Maurice Pons, Clive Barker ou encore le dessinateur Claude Ponti. Si on peut trouver l’intrigue du roman trop simple (un homme appelé en catastrophe revient sur les lieux de son enfance qu’il n’a pas souhaité revoir depuis des décennies (on a vu/lu ça des dizaines de fois)), Le Domaine des Douves se rattrape sur l’originalité des trouvailles fantastiques.

« La peau blafarde de Phéodora est couverte de tatouages. D’innombrables lignes d’écriture, minuscules, d’un bleu passé, ficellent son cadavre ; des centaines, des milliers de paragraphes, des kilomètres de pattes de mouche tapissent la moindre parcelle de sa peu. Un vrai costume de mots. Je n’en reviens pas. En quelques coups d’œil, je comprends : Grand-Mère a fait tatouer sur son corps l’histoire du domaine des Douves. Au fil des années, en secret, elle s’est noircie de récits, de légendes, de témoignages, de poésies épiques, de mémoires, de pamphlets, de coupures de presse, de tous les écrits qu’elle avait pu récupérer. Chaque événement du domaine des Douves était consigné, retranscrit sur sa chair. Cela a dû être un travail de titan. Le travail d’une vie. Elle est devenue un livre. Une archive. »

Le Domaine des Douves, Benjamin PLANCHON, Mialet-Barrault éditeurs, 256 pages, 19 €

Visuel : Couverture du livre

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