![“You were never really here”, petit polar qui tente des choses [Cannes 2017, Compétition]](https://toutelaculture.com/wp-content/uploads/2017/05/you-ere-never-857x572.jpg)
“You were never really here”, petit polar qui tente des choses [Cannes 2017, Compétition]
De façon sobre, simple et assez juste, Lynne Ramsay (We need to talk about Kevin) entraîne l’acteur star Joaquin Phoenix dans un chemin introspectif violent. Elle empoigne beaucoup d’éléments constitutifs du polar de vengeance implacable, sans parvenir totalement à les renouveler…
[rating=3]
A Cannes 2017, Good time, présenté en Compétition, constitua pour ses réalisateurs une tentative d’appropriation vis-à-vis du “film de galère”, catégorie comptant de nombreuses illustrations déjà. L’essai n’aboutit qu’à une semi-réussite, la sincérité côtoyant des scènes plus déjà-vues, ou inabouties. Il en va un peu de même pour You were never really here. Qui met en scène Joe, barbu et à bout de nerf, ancien soldat au Moyen-Orient traumatisé à vie, qui gagne son pain en traînant du côté des affaires crapuleuses, pour la plupart du temps ramener des gamines enlevées chez elles. Un travail qui le touche de très, très loin…
Qui est-il, ce Joe aux occupations bizarres, pas affecté par grand-chose ? Le film suggère à un moment qu’il est au bord du suicide, traumatisé par une enfance insurmontable, puis par l’armée… L’originalité de You were never really here est de le placer dans une affaire politique pour laquelle il ne se passionnera jamais. Lynne Ramsay passe donc plus de temps à essayer de transmettre son intériorité, plutôt que d’expliquer les motivations des uns et des autres. Le ton du film est donc curieux, esthétique et boitillant, cérébral et nerveux tout à coup. Belle scène d’immersion par le héros du cadavre d’un tueur ennemi dans l’eau ; beau travail sur le son, notamment dans le générique, dont les paroles sont fredonnées par un chauffeur de taxi ; scènes réussies montrant Joe hésitant, avec un Joaquin superbement à bout ; moments de malaise, parmi lesquels une mémorable séquence avec touristes ; et passages de polar où les essais pour être original sont perceptibles… Très douée, Lynne Ramsay réussit par exemple une scène longue en caméra de surveillance, ou des ruptures brutales, convaincantes.
Un côté modeste, un peu inabouti, qui laisse l’univers installé se fermer un peu vite, dessert le film. Comme son utilisation de figures de thrillers de vengeance déjà beaucoup vues : on pense au marteau, notamment… Mais cette réalisation sait garder son mystère – à l’image du visage de la dernière jeune fille “secourue” par Joe (Ekaterina Samsonov) et du personnage de son père, ambigu et très bien joué par Alex Manette – et réussir de beaux échanges. Enveloppés dans un ton crépusculaire sensible, pas frénétique à tout prix. Des scènes comme celle des bonbons, qui marque…
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Visuel : © SND