Cinema
[Interview] Le réalisateur Alex Van Warmerdam nous parle du film « Borgman »

[Interview] Le réalisateur Alex Van Warmerdam nous parle du film « Borgman »

21 November 2013 | PAR Hugo Saadi

Borgman, le dernier film du réalisateur hollandais Alex Van Warmerdam sur les écrans français depuis hier, était en compétition lors du dernier festival de Cannes. Toute la Culture a rencontré Alex Van Warmerdam afin qu’il nous éclaire un peu plus sur ce film mystérieux. La critique du film est également à lire sur Toute la Culture.

Comment vous est venue l’idée du film Borgman ?

Les gens pensent que comme ça, un jour, une idée apparaît dans ton esprit parce que tu as lu un livre ou que tu as vu quelque chose, mais cela ne marche pas ainsi. En fait, la seule chose que je savais depuis le début, c’était que j’allais écrire un film d’horreur. Puis ensuite on imagine comment on va pouvoir développer l’histoire mais je ne fais pas de planning, de schéma sur les scènes à faire, j’écris et j’écris. Mon idée principale était de faire un film plus sombre que les précédents (The Last Days of Emma BlankWaiter !, Grimm).

Avez-vous fait des changements dans le scénario lors du tournage ? Des scènes ont-elles été coupées ?

Oui j’ai fait des changements, mais le script était déjà terminé ainsi que le storyboard quand j’ai commencé à tourner. Bien sûr, le script n’est pas une bible, on change des choses sur le plateau. Il est même arrivé que le caméraman me dise parfois « est-ce que la scène que l’on va tourner est nécessaire pour l’histoire? », et je lui répondais que « non cela ne l’est pas », le fait est que l’on ne peut pas savoir à l’avance. Lors du montage du film, on avait beaucoup de rushs, j’ai donc procédé à de nombreuses coupures, j’ai changé des choses plus que jamais, mais il est vrai que le film s’est finalement élaboré dans la salle de montage.

Quelles sont vos influences ou vos références pour le film ? Certains considèrent Borgman comme une autre version de Théorème, le film de Pasolini ou de Funny Games US, de Michael Haneke, ou encore un film dans la lignée d’un Laurel et Hardy. Êtes-vous d’accord avec cela ?

Non je ne pense pas. J’ai regardé Théorème et je n’ai pas tenu longtemps devant, je me suis beaucoup ennuyé. Quant à Funny Games US je ne l’ai tout simplement pas vu. En ce qui concerne Laurel et Hardy, oui, je m’en suis légèrement inspiré au niveau de mon questionnement sur comment faire le film et comment tourner les scènes humoristiques. J’ai retenu que pour que la scène soit réussie et comique, il faut montrer l’ensemble du corps à l’écran.

Le film est souvent mystérieux, il peut perdre le spectateur car on ne connait rien de toute l’équipe de Camiel Borgman. Avez-vous voulu passer un message avec ce film ? Peut-on dire qu’il y a une certaine critique de la bourgeoisie ?

Je ne me sens pas responsable pour le public car je suis également un spectateur. Je ne joue pas avec lui, je suis honnête. Mais il est vrai qu’être réalisateur c’est manipuler le spectateur en lui montrant ce que je veux qu’il voie. Pour moi il n’y a pas de message, le message c’est le film. Dans mon esprit c’est une simple histoire. Elle commence avec la citation du genre biblique et il n’y a rien de plus. Peut être que c’est comme cela seulement dans mon esprit et donc j’imagine que les gens se posent des questions sur le déroulé de l’histoire. Mais à mon sens tout est clair. Quant à la critique de la bourgeoisie, oui on peut y voir un sous-texte mais ce n’était pas mon intention. Ce sont des personnages de tous les jours qui pensent comme je pense. De nos jours, les personnes d’Occident s’ennuient. L’opposition entre notre vie luxueuse et celles des personnes qui vivent dans des conditions déplorables est intéressante à développer. Mais je n’ai pas cherché à faire passer ce message, c’est peut être à cause des dialogues et notamment de cette réplique : « nous devons être punis car nous sommes chanceux ». C’est une bonne réplique mais je ne pense pas que je critique le monde moderne.

Borgman est une sorte de film de genre « home-invasion », qui se passe en été et en plein jour ainsi que dans un quartier chic d’une ville. Comment avez-vous fait pour recréer la peur qui est le point d’ancrage du genre « home-invasion » ?

Pour commencer, je n’ai jamais su que mon film faisait partie du genre « home-invasion ». Il y a quelques mois j’ai été interviewé par un magazine hollandais sur les films d’horreur et ils m’ont appris que Borgman était un sous-genre du « home-invasion ». Plus tard, un journaliste m’a dit qu’il ne s’agissait en réalité pas d’un « home-invasion » mais d’une « invitation-invasion » parce que Borgman est invité à rentrer dans la maison par Marina, la femme.

SI j’ai essayé de faire ce film l’été c’est à cause des westerns que j’ai vus quand j’étais plus jeune, et cette fois-ci j’ai trouvé que c’était une bonne chose que le mal et les mauvais éléments soient montrés en plein jour et en plein soleil. À chaque fois que l’on pense aux films d’horreur, on pense à la nuit, à la pénombre, ces moments où on ne peut rien voir, alors pour ce film j’ai vraiment essayé de le tourner en plein été et de changer les codes.

Il y a une grande touche d’humour noir au début du film, puis cela se tasse un peu par la suite. Est-ce un choix de votre part de ne pas avoir été jusqu’au bout de l’humour noir, rendant de ce fait le film de plus en plus noir et sérieux ?

Oui. À la fin du film, il y a ce grand dîner avec des séquences comiques. C’était trop humoristique, ce qui m’a obligé à supprimer certaines scènes qui auraient détruit le ton sérieux du film. J’ai également coupé une autre scène avec la nounou à la recherche de fleurs dans le jardin et qui va dans la petite cabane où loge Camiel Borgman. J’ai une scène entière sur ce qui se passe à l’intérieur mais j’ai fait le choix de ne rien montrer et de laisser le cerveau du spectateur travailler.

Dans votre second film Les Habitants, l’histoire se déroule dans une petite ville. Dans le scénario de Borgman, où vous vous concentrez sur cette seule maison, on assiste parfois à un jeu de cache-cache. Aimez-vous spécialement tourner vos films dans des endroits restreints ?

Oui, je préfère me concentrer sur un seul endroit, et ce sera également le cas pour mon prochain film. Cela donne une importance et une puissance plus grandes à l’histoire, c’est pour cette raison que je le fais.

Visuel : © Hugo Saadi

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