
Patrick Dewaere, mon héros, beau documentaire qui cerne toute une vie douloureuse
Quarante ans après le suicide du magnifique interprète, ce documentaire d’Alexandre Moix, présenté au Festival de Cannes parmi les Cannes Classics, donne à ressentir le difficile parcours de l’homme.
Patrick Dewaere s’est suicidé le 16 juillet 1982. Revenant sur ses multiples grands rôles très marquants quarante ans plus tard, ce documentaire d’Alexandre Moix, projeté au Festival de Cannes 2022 dans le cadre de Cannes Classics, veille à bien se pencher aussi sur les blessures qui ont jalonné l’existence du magnifique acteur.
Il y eut les déceptions sentimentales, avec notamment Miou-Miou qui le quitta pour Julien Clerc : un des intervenants confie à l’image qu’un soir de tournage, il vit Dewaere grimper à des poteaux électriques pour arracher les affiches du chanteur. Et puis des maux plus lointains et plus terribles : poussé jusqu’à la fatigue à devenir saltimbanque, avec ses frères et sœurs, par sa mère – qui leur fit aussi effectuer des besognes d’ouvrier dans sa maison de campagne – il fut également violé, à de nombreuses reprises, durant son enfance. Convoqué à l’image, Francis Huster réagit, affirmant qu’il a subi des faits similaires et se sent proche de Dewaere, son contemporain.
Ce film apparaît ample, au final, de par son sujet avant tout, et grâce à la manière dont il est peint. Les partis-pris de réalisation d’Alexandre Moix sont très simples, la voix de Lola Dewaere, qui narre, semble proche et naturelle. La noirceur apparaît bien présente, à l’écran, sans que le pathos ne s’en mêle. Quant aux extraits de films choisis, ils mettent en valeur l’interprète, et donnent très justement à voir tout ce qu’il sut jouer et incarner, sur le grand écran. On passe de la cocasserie, mâtinée de portrait social, des Valseuses ou de Coup de tête, à Un mauvais fils et son ton plus dramatique, au sein duquel Dewaere prend sa place de manière sobre.
N’insistant pas exagérément sur l’un ou l’autre des aspects du sujet qu’il traite, ce documentaire se révèle donc à part égale instructif et émouvant. Plus que de rendre vivante aujourd’hui la figure de Dewaere, ou commenter sa place dans l’histoire du cinéma, il paraît s’attacher à peindre son travail, sa besogne, qu’il mena envers et contre toutes les difficultés. Ou peut-être à cause d’elles… Les intervenants viennent donc témoigner de ce caractère qu’ils eurent l’occasion de croiser, en particulier Claude Lelouch, qui revit avec intensité – comment faire autrement ? – les instants de vie où il pu côtoyer Dewaere, et le moment où il sut qu’il était mort.
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Visuel : © Bleu Kobalt / Zoom Production