Millenium : quand le génie de David Fincher rencontre l’univers torturé de Stieg Larsson
En s’attaquant au premier volet du célèbre best-seller suédois, le cinéaste renoue avec la noirceur de ses débuts et met tout son savoir-faire visuel et narratif au service d’une adaptation fidèle à l’œuvre originale. Sombre, haletant, brillamment exécuté, le thriller de Fincher est bien plus qu’un simple remake. Sortie le 18 janvier.
Synopsis : Mikael Blomkvist, brillant journaliste d’investigation, est engagé par un des plus puissants industriels de Suède, Henrik Vanger, pour enquêter sur la disparition de sa nièce, Harriet, survenue des années auparavant. Vanger est convaincu qu’elle a été assassinée par un membre de sa propre famille. Lisbeth Salander, jeune femme rebelle mais enquêtrice exceptionnelle, est chargée de se renseigner sur Blomkvist, ce qui va finalement la conduire à travailler avec lui. Entre la jeune femme perturbée qui se méfie de tout le monde et le journaliste tenace, un lien de confiance fragile va se nouer tandis qu’ils suivent la piste de plusieurs meurtres…
Semble-t-il en manque cruel d’inspiration ces derniers temps, le cinéma hollywoodien a une fâcheuse tendance à multiplier les remakes. Et comme si les réadaptations de ses propres films ne suffisaient plus, il s’attaque maintenant aux succès issus du Vieux Continent. Récemment, citons pêle-mêle la franchise horrifique espagnole [Rec], les comédies françaises LOL et Le Dîner de cons, et déjà un film suédois avec l’excellent Morse. Alors que la trilogie scandinave reprenant l’œuvre de Stieg Larsson venait tout juste de voir le jour sur nos écrans, on apprenait donc avec scepticisme qu’il y aurait une version américaine. Une méfiance légitime aussitôt tempérée par l’annonce du nom du réalisateur à la tête du projet : un certain David Fincher, cinéaste parmi les plus doués de sa génération, alors fraîchement auréolé d’un succès public et critique pour son Social Network.
On avait raison de ne pas trop s’inquiéter. S’il choisit de rester fidèle aussi bien au roman d’origine qu’à la première adaptation, le réalisateur évite néanmoins le piège de la redondance, apposant sa patte experte sur l’univers trouble et glaçant imaginé par l’écrivain suédois. La rencontre semblait inévitable tant les thèmes soulevés par l’œuvre de Larsson (le goût pour les personnages marginaux et les serial killers, le traitement de la violence physique et morale, la culture geek, la dénonciation des travers de la société) s’apparentent aux obsessions du cinéaste. Grâce à l’impeccable scénario concocté par Steven Zaillian (La Liste de Schindler, Gangs of New York, American Gangster), Fincher délivre une intrigue sans aucun temps mort, plus dense que la version scandinave malgré les 2h30 que compte son thriller. Passé maître dans l’art de filmer des enquêtes criminelles (Seven, Zodiac), il parvient à rendre captivant un récit dont la trame et le dénouement sont déjà connus de beaucoup.
Côté mise en scène, Fincher fait du Fincher. Le film s’ouvre sur un générique très “clipesque” mais absolument époustouflant, porté par la reprise électro-indus d’Immigrant Song de Led Zeppelin. Du reste, le cinéaste convie le tandem Trent Reznor – Atticus Ross, déjà oscarisé pour la B.O de The Social Network, pour s’occuper de la construction sonore de ce Millenium. Collant au plus près de ses personnages, il déploie de bout en bout sa maestria formelle, esthétique et épurée, froide et charnelle à la fois, et construit entre la jeune femme et le journaliste une relation passionnée et ambigüe.
Daniel Craig, plus présent à l’écran que son prédécesseur, joue de son charisme et remplit son rôle à merveille. Quant au personnage de Lisbeth Salander, il y aura à n’en pas douter chez les spectateurs un inévitable et furieux débat sur ses deux incarnations successives. Si Rooney Mara ne fait pas oublier l’extraordinaire interprétation de Noomi Rapace, elle s’avère franchement convaincante, apportant au rôle une fragilité plus juvénile derrière sa carapace mais aussi un incroyable sex-appeal là où l’actrice suédoise campait une Lisbeth plus brute, plus garçon manqué.
Certes, le film s’apparente à une grosse machine bien huilée, mais en surface uniquement. Car qui à Hollywood aurait pu marquer de son empreinte un tel projet tout en préservant la noirceur sans concessions de l’œuvre originale ? Fincher, et personne d’autre.
Millenium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes, de David Fincher, avec Daniel Craig, Rooney Mara, Christopher Plummer
Policier, Thriller, 2h38
Sortie le 18 janvier 2012
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