
Les règles douloureuses du 7e art : aménorrhée et toute première fois
Au cinéma, pas question de joli filet d’eau bleu des pubs pour tampons. Il faudrait montrer les choses “en vrai”, “en grand”. Mais le sang des femmes reste tabou. Et donc rare. Souvent lues comme signe d’infertilité ou d’hystérie, les règles sont un stigmate archaïque et menaçant Quelques exceptions existent, de l’ordre tendre du rite de passage pour la “toute première fois”. Mais la douleur et la surprise sont souvent là. Bref, il faut attendre encore quelques années de féminisme et d’empathie pour les femmes avant d’ arriver à une représentation complexe et moderne des règles sur grand écran.
Scarification : le sang des femmes comme une menace.
Cris et Chuchotement : Le sang de la mutilation
Décor théatral rouge, ambiance à la fois très féminine et frelatée, Cris et chuchotements (1973) et probablement le film de Bergman où la douleur passe le plus par les femmes et par leur corps. Deux soeurs sont au chevet d’une troisième qui se meurt… d’un cancer de l’utérus. Avec pour quatrième larron la servante, dans ce huis clos bardé de deuil elles vont revivre certaines scènes clé de leur vie. A l’acmé de ce climat psychologique chargé : la scène de mutilation de Karin (Ingrid Thulin) qui prend un couteau pour extraire du sang de son sexe. Yaël
La pianiste : Le sang de l’hystérie parfaite.
Dans le film de Haneke La pianiste (2000), on voit une fille scarifier son sexe. Il s’agit de mimer des règles, probablement taries, pour que sa mère puisse voir son sang couler le long de sa jambe. Olivia.
Toute Première fois
Carrie : L’épouvante de la douche.
Adapté de Stephen King par un tout jeune Brian DePalma, Carrie reste notamment mythique pour sa fameuse scène de la douche. Qui voit la jeune héroïne confrontée à des premières règles qu’elle ne comprend pas, persuadée qu’elle se vide de son sang alors que ses camarades l’agressent en lui jetant des tampons et en lui criant dessus. Une scène d’humiliation qui reste toujours aussi traumatisante 30 ans après. Gilles
Une ange à ma table : le rouge symbolique de Jane Campion
Rousseur de la chevelure, robes rouges, survie rougeoyante à sa sœur morte noyée: l’écrivaine néo-zélandaise Janet Frame dépeinte par Jane Campion dans Un ange à ma table (1990) suit la symbolique d’un sang synonyme d’originalité, de force d’être soi. Un sang menstruel tabou que la réalisatrice fait conserver à la figure littéraire adolescente dans des linges souillés…. Yaël
Diabolo menthe : La gifle d’Anouk Ferjac
Le film de Diane Kurys date de 1977, mais il retrace son adolescence, et se situe en 1963 : entre désir d’émancipation féminine et réalité sociétale, il y avait un gouffre, qu’illustre parfaitement la réaction de la mère lorsque sa fille lui apprend qu’elle a ses règles : attendrie mais déconcertée, elle lui administre deux gifles à la hauteur de son désarroi, comme le voulait la coutume sans doute… Un véritable rite de passage. Géraldine
Deuil, infertilité, mélancolie
La quête de l’enfant et l’obession des règles chez Valeria Bruni-Tedeschi
Les films de Valeria Bruni-Tedeschi, actrice entre autre de Desplechin ou Noémie Lvovsky, forment une trilogie autobiographique (Il est plus facile pour un chameau, Actrices et le dernier Un château en Italie). Ils abordent tous les questions familiales et la maternité. Il y a de nombreuses scènes dans ces films où elle a ses règles (dans la rue, elle se cache avec son pull), elle s’allie un beau fauteuil chez sa mère etc… Plus généralement ces motifs reprennent une obsession de la réalisatrice, la question de la maternité, de la fertilité, du désir d’enfant: questions du personnage principal qu’elle interprète (suis-je trop vielle pour être mère? Est-ce que j’ai envie d’un enfant?). Les règles viennent la rabaisser souvent à un statut de jeune fille et donnent souvent cours à des scènes humiliantes où sa mère la gronde alors qu’elle a la trentaine. Hannah.
visuel : Photo officielle de Carrie de Brian De Palma