On l’aura compris,
La Mif constitue une fiction sous-tendue par une vraie trame, avec un point d’arrivée. Cependant, pour parler de vies pas très droites, de destins mouvementés – parfois tragiquement – et de place à trouver dans un monde et une société, le film choisit judicieusement d’adopter une structure non-linéaire. Il donne à connaître à tour de rôle chaque protagoniste via des suites d’instants, d’éclats de vie, qui de temps à autres se croisent via de courtes répétitions de scènes. Les personnages, ici, sont joués par des interprètes non professionnels, incarnant des figures aux existences très proches des leurs – selon les dires du réalisateur suite à la présentation de son film dans le cadre de la
Berlinale 2021 – tous irradiants, à l’image.
Cette absence de structure narrative lourde apparaît comme un choix très judicieux tant elle laisse tout l’espace aux séquences pour toutes, individuellement, déborder de vie, tout en avançant vers un point d’arrivée dévoilé seulement tout à la fin, donc pas souligné jusqu’à l’écoeurement.
L’autre élément qui participe à l’intelligence du film est son montage, qui sait rendre les scènes courtes tout en leur permettant de livrer ce dont elles sont porteuses, de façon pas superficielle. La Mif apparaît au final comme une grande suite d’éclats d’existences. Si cette forme ne protège pas le film de quelques maladresses – une apparence trop fragmentaire à quelques moments, notamment – il n’en reste pas moins qu’un tel choix permet à tous les thèmes abordés en arrière-plan de s’imposer à part égale.
Au final, par-delà ces judicieux partis-pris de conception, c’est aussi la force des histoires données à connaître, des destins peints, qui passionne et émeut. Tous figurés sans détour mais sans complaisance ni misérabilisme, ils profitent de la brièveté des scènes pour vivre à l’écran, pour se dévoiler dans toute leur réalité tragique. Si l’on s’émeut, on goûte aussi le temps que nous laisse le film pour réaliser dans quelle mesure ces vies affectent les jeunes filles qui les traversent. Et de quelle façon elles tentent de se fortifier en vivant ensemble, et sous l’impulsion des éducateurs, que l’on voit au coeur de leur travail, au fil du film. Un beau chant d’amour triste, au final, pour plusieurs vies, parfois très abîmées.
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Visuel : affiche du film