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INCH’ALLAH : Un récit humain et touchant sur le conflit Israélo-palestinien vu à travers les yeux d’une jeune québécoise

INCH’ALLAH : Un récit humain et touchant sur le conflit Israélo-palestinien vu à travers les yeux d’une jeune québécoise

04 April 2013 | PAR Juliette Hebbinckuys

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A quel point un conflit qui a priori ne nous appartient pas peut devenir le nôtre ? Tel est le thème du second long métrage de fiction d’Anaïs Barbeau-Lavalette, qui nous raconte ici sa vision de la Palestine. A travers le personnage de Chloé, alter-ego de la réalisatrice, elle nous montre une guerre à visage humain, grâce à ses personnages inspiré de faits réels.

Chloé est une jeune sage-femme d’origine québécoise qui travaille dans une clinique d’un camp de réfugiés palestiniens. Sous la supervision de Michaël, médecin d’origine française, elle accompagne les femmes enceintes, symbole de vie dans un univers où la mort fait partie du quotidien.  Son quotidien à elle, c’est le mur qu’elle franchit chaque jour, les check points à traverser pour passer d’une réalité à une autre. Petit à petit, elle se lie d’amitié avec Rand, jeune palestinienne qui est aussi sa patiente, et avec Ava, sa voisine de palier qui est engagée dans l’armée israélienne. Confrontée à un conflit qu’elle ne comprend pas, elle essaie tant bien que mal de faire le pont entre ces deux cultures et ces deux jeunes femmes. Mais face aux horreurs et aux absurdités de cette guerre, Chloé est happée dans une spirale infernale qui ne pourra qu’être fatale.

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Tourné à l’épaule, façon documentaire, ce film se veut avant tout réaliste. A travers une camera qui filme ses personnages au plus près de leurs émotions, presqu’en gros plan, Anaïs Barbeau-Lavalette nous amène au cœur du conflit Israélo-palestinien sans pour autant faire un film politique. Son but ? Donner  un visage humain à une guerre qui ne l’est pas. Plus encore, elle s’interroge sur ce que l’on devient lorsqu’on est confronté à une réalité qui nous dépasse.  L’histoire de Chloé, c’est celle d’une femme qui se retrouve face à ses contradictions, et qui perd petit à petit ses repères face aux images qui la révoltent. Dans un univers où la vie et la mort se côtoient, ABL nous montre qu’elle a le sens du détail : un panneau d’interdiction de mitraillette à l’entrée de la clinique, un graffiti Ctrl+alt+suppr sur le mur de la décharge, un enfant en costume de super héros, présence discrète et poétique d’une jeunesse qui ne perd pas espoir et continue à rêver d’un monde meilleur…  Lors d’une magnifique scène à un check point entre le frère de Rand et un soldat israélien, on se prend même à rêver d’une négociation possible grâce à un ballon de foot. Pourtant, la réalité prend le dessus et le film nous amène une fois de plus ce sentiment de rage et d’impuissance, tout à fait représentatif des émotions de sa protagoniste. Peu à peu, elle se perd, elle se noie. Le personnage de Chloé se retrouve pris en étau par cette guerre et elle ne peut plus rester passive face à son quotidien.

D’ailleurs, ce qui fait la réussite de ce film est avant tout l’interprétation très juste de ses comédiens. Evelyne Brochu joue une Chloé sobre, à fleur de peau. Elle se révèle assez touchante et convaincante, même si parfois on aimerait la voir plus poignante et un peu moins absente. Mais le fait d’incarner en quelque sorte la réalisatrice, ou du moins son alter ego,  ne doit pas être évident et pourtant elle réussit à interpréter un personnage complexe et plein de contradictions. Mais la véritable révélation de ce film est Sabrina Ouazani. A la fois femme et enfant, celle qui joue le personnage de Rand (la jeune palestinienne), nous montre tour à tour une jeune fille pleine de vie, passionnée, révoltée, joyeuse, amère, drôle, fougueuse, engagée et désabusée.  Carlo Brandt, que l’on ne voit pourtant pas beaucoup car il interprète le rôle de Michaël, le médecin de la clinique, est très juste. On regrette presque de ne pas le voir plus à l’écran car sa présence est un beau contrepoids face au désespoir de Chloé. Le rôle de Faysal, joué par Yousef Sweid, est un peu inégal. Même si l’acteur l’interprète avec brio, on regrette que sa position ne soit pas plus tranchée. On a parfois du mal à comprendre où il se situe, surtout avec Chloé, mais sa scène avec le soldat israélien est un vrai beau moment du film. Mais le personnage peut être le plus marquant restera Safi, le jeune frère de Rand (Hammoudeh Alkarmi) avec son costume de super héros. Plein de douceur et de naïveté, il symbolise l’espoir et apporte une dimension poétique au film.

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Il faut saluer aussi le travail d’André-Line Beauparlant, qui signe la conception visuelle du film. Les décors ont été recréés de toute pièce car le film a été tourné en Cisjordanie.  Le mur de séparation, la décharge, le check point, tout est faux et pourtant le réalisme est saisissant. C’est d’ailleurs cette impression d’y être, et d’accompagner son héroïne, qui nous plonge réellement au cœur même du conflit. ABL réussit le pari de ne pas virer dans le misérabilisme, et nous propose un film intelligent et sensible. Absolument pas manichéen, il nous montre son regard de femme face à d’autres femmes dont cette guerre est le quotidien. Un film à voir !

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Juliette Hebbinckuys

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