Cinema
Entrevues 2022 : Grand Prix à Ana Vaz, et palmarès où règne le rêve engagé

Entrevues 2022 : Grand Prix à Ana Vaz, et palmarès où règne le rêve engagé

27 November 2022 | PAR Geoffrey Nabavian

C’est É noite na América de la réalisatrice brésilienne Ana Vaz qui repart avec le Grand Prix Janine Bazin, alors que se termine le Festival des premiers, deuxièmes et troisièmes films 2022. Les prix de cette année couronnent en grande partie des rêves tissés à partir des durs temps actuels.

Lors de la soirée de clôture de leur édition 2022, les Entrevues ont vu être distingué un film en appelant beaucoup au songe, pour mieux parler d’un réel difficile : É noite na América. C’est dans ce type d’expériences qu’il faut continuer à aller s’immerger, au sein des salles de cinéma, pour mieux lire le monde actuel. Gilles Lévy, le président de l’association Cinémas d’aujourd’hui, qui organise le Festival, a commencé à ce titre par rappeler un propos de James Gray : “sans la salle, les films perdent leur influence culturelle“. Il a salué ensuite le travail de Rabah Ameur-Zaïmèche présenté en intégralité au cours de cette édition, en particulier ses longs-métrages réinventant les temps passés, afin de mettre en scène d’autant mieux “les méandres d’une intégration vulnérable“. Il ne lui restait aussi qu’à féliciter le public d’avoir réservé une salle comble à l’avant-première de Goutte d’or proposée par le Festival un soir de match : “merci aux spectateurs de s’être déplacés en masse pour voir jouer Karim, non pas Benzema, mais Leklou“.

Le Grand Prix Janine Bazin s’est vu remporté par É noite na América, donc.  Ce documentaire à la forme avant-gardiste d’un peu plus d’une heure se penche sur la faune, humaine et animale, du zoo de Brasilia. Il est signé par la réalisatrice Ana Vaz. Tourné en pellicule périmée, il traite en grande partie, aux dires de la cinéaste et des jurés, d’extinction. Il remporte 8 000 euros, de la Ville de Belfort. À noter que pour son univers sonore, salué comme novateur, il gagne aussi le Prix One + One, lui assurant en prime 2 500 euros. Cette année, le Grand Prix Janine Bazin fait par ailleurs l’objet d’une Mention spéciale, décernée à On a eu la journée Bonsoir. Ce documentaire à la forme poétique, d’un peu plus d’une heure encore une fois, permet à sa réalisatrice, Narimane Mari, de suivre son compagnon le peintre Michel Haas dans ses derniers instants.

Le Prix du public distingue l’excellent Dirty Difficult Dangerous de Wissam Charaf. Lui constitue une fiction qui s’attache à deux courageux immigrés dans le Beyrouth d’aujourd’hui, rêvant de jours bien meilleurs mais confrontés à un dur réel. Une réalité si rebutante qu’elle prend parfois des teintes irréelles. Un film dont la maîtrise et l’humanité passionnent, projeté aussi lors du Cinemed et du Festival du Film franco-arabe de Noisy-le-Sec. Notre critique est à lire ici.

Quant au Prix d’aide à la distribution Ciné+, il a couronné Unrueh. Ce long-métrage de fiction suisse réalisé par Cyril Schäublin trace un tableau d’une ville horlogère au XIXe siècle, à l’heure où un mouvement anarchiste prend forme non loin d’elle. Pour sa réflexion sur les origines de certaines révoltes, au sein de cadres très réglés, le jury a jugé que ce film était important à montrer en salles. 15 000 euros sont donc au final alloués au distributeur cinéma qui se chargera de lui, sous forme d’achat de droits pour une diffusion à l’antenne sur la chaîne Ciné+ Club.

Côté Courts-Métrages, le Grand Prix André S. Labarthe a distingué Koban Louzoù, de Brieuc Schieb. Un moyen-métrage atteignant presque une heure qui s’attache à un chantier communautaire, sur lequel s’activent des personnes cherchant à se réinventer et à repenser ce qu’il y a autour d’eux. Une récompense représentant 3 500 euros.

Le Prix du public couronne, lui,  Tutto Apposto Gioia Mia. Dans ce moyen-métrage approchant lui aussi une durée d’une heure, la réalisatrice Chloé Lecci Lopez se questionne sur ce qui a pu conduire son père à la délinquance. Donnant à entendre les conversations qu’elle a avec lui depuis qu’il a été arrêté, elle met son destin à lui en parallèle avec celui de Giulio, garçon de Catane qui pourrait glisser lui aussi. Absente ce soir-là car présentant son moyen-métrage dans une autre ville, la réalisatrice a fait lire ses mots, affirmant au passage que le cinéma lui avait permis d’affronter le réel car il lui était venu en des temps où l’existence n’avait pas été tendre. Ce Prix du public vaut au film 1 700 euros. On se souviendra que ce dernier avait déjà été récompensé par une Mention spéciale au Prix Ulysse Decipro – Montpellier Méditerranée Métropole à l’issue de la dernière édition du Cinemed

Au niveau de la sélection [Film en cours], le lauréat est au final Ne me guéris jamais. Le jury a salué, lors de la remise, le voyage à la suite de trois êtres poignants en recherche qu’offre ce documentaire, qui s’intéresse aux changements urbains venant modifier Marseille. Avec parmi les protagonistes suivis, un homme devenu aveugle qui prend conscience de ces modifications en les imaginant par l’intermédiaire des sons qu’il entend. Le film, produit par Survivance, reçoit donc une aide pour sa post-production sonore, son étalonnage, la vérification de son mixage, son sous-titrage et son mastering DCP.

Le Parcours Nouveaux Talents, quant à lui, qui invite de jeunes réalisateurs et réalisatrices au Festival pour des rencontres professionnelles et d’autres formations, en cheville avec l’APARR, a comme toujours sélectionné deux lauréats, qui pourront bénéficier de nouvelles résidences d’écriture.  Il s’agit de Lisa Morel, qui présentait son projet Eve, et du duo Gautier Paille et Louis Husson, pour leur projet Homard Shériff.

Enfin, le Prix Gérard Frot-Coutaz, hébergé par la Fondation de France, remis depuis 2016 et décerné à un premier long-métrage français sorti en salles pendant l’année en cours, est allé à I comete de Pascal Tagnati, et à sa peinture de l’été corse de jeunes gens entre doutes et sensualité. À noter que cette récompense représente 5 000 euros. Si ce film-ci a fait partie de la sélection ACID Cannes 2021, son réalisateur a aussi rappelé en recevant le prix qu’il avait été lauréat avec ce projet de [Film en cours] en 2020 via le Festival. Ainsi, suite à ces Prix remis à du cinéma émergent, il était temps de s’immerger dans La Montagne, deuxième long du réalisateur-acteur Thomas Salvador, présenté en tant que Clôture. Un film lui aussi très axé rêve venant rompre le quotidien, qui laisse voir un cinéaste en pleine recherche de forme, en proie à des interrogations et face à des limites et codes à dépasser.

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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