Royaume, la nouvelle création de Hamid Ben Mahi
Hamid Ben Mahi poursuit son travail d’élaboration autour des discours actuels et de la contribution de la danse hip-hop et contemporaine. Son nouvel opus Royaume donne la parole aux femmes.
Un artiste discret et engagé
Évidemment, la question de la légitimé se pose dès le lever de rideau. Dès les premiers instants du spectacle, face à la grande beauté du spectacle, on doit vite décider de donner ou non notre accord à Hamid Ben Mahi sur le fait d’aborder la parole des femmes. Le parcours de l’artiste ouvre sans contexte à cette autorisation. En 2001 avec Chronic(s) la collaboration entre Michel Schweizer et Hamid Ben Mahi donnait le ton d’un nouveau genre chorégraphique : le solo autoportrait mêlant danse et mots. Plus de vingt ans après ce solo inclassable, et après une déclinaison en Chronic(s) 2 durant la pandémie, Hamid Ben Mahi reprend son bâton de pèlerin pour continuer à dénoncer les souffrances sociétales. Il n’est pas un roublard opportuniste qui surferait sur la vague féministe. Il est sincère ; ce combat est le sien.
Un chant de révolte
Hamid Ben Mahi fonde sa compagnie en 2000. C’est ainsi plus de vingt années de création autour de la danse hip-hop, au cours desquelles l’artiste a incorporé d’autres disciplines artistiques, bousculé les codes de la danse contemporaine. Vingt-deux ans où il a pris la parole pour dénoncer la ségrégation, les conditions des sans-papiers, l’histoire franco-algérienne ; vingt-deux ans d’un sillon qui inscrit son œuvre comme un dialogue engagé entre le hip-hop et la danse contemporaine, entre lui et l’actuel. Vingt-deux ans d’exigences et de virtuosité.
Dans Royaume, il ne danse pas ; il se retire et dirige. Six danseuses lumineuses interrogent ce que vivent les femmes dans nos sociétés. Six femmes transpercées par le patriarcat, et aussi par l’énergie vibrante de la danse hip-hop ! Elles racontent par le geste et la parole ce royaume des femmes attaqué sans cesse par la brutalité du sexisme. Les voix éclatent autant que les corps. Aux voix de Simone Veil, de Françoise Giroud ou d’Edgard Morin s’ajoutent celles de ces danseuses qui confient leur quotidien.
L’expérience spectateur est à la fois esthétique et éducative. Les moments de grâce sont nombreux. L’ouverture où les danseuses portent des masques lumineux, la chute de sable des cintres, le rideau opaque de fond de scène sont autant de merveilleuses trouvailles. Ébloui par l’aisance des danseuses, on s’applique à recevoir leurs paroles. Et il reste en nous ce moment d’une belle et sincère humanité.
ROYAUME
Chorégraphie et mise en scène : Hamid Ben Mahi
Regard extérieur : Hassan Razak
Interprètes : Céline Lefèvre, Elsa Morineaux, Sandrine Monar, Sara Ben Herri, Viola Chiarini et Yvonnette Vela Lopez
Scénographie : Camille Duchemin
Création musicale et arrangements : Manuel Wandji
Environnement sonore : Sébastien Lamy
Mise en lumière : Antoine Auger