Cinema

Dvd : La mort en ce jardin de Louis Bunuel

21 April 2010 | PAR Yaël Hirsch

Les éditions Montparnasse ressortent un classique du réalisateur espagnol en pleine “période mexicaine”. A première vue, film d’aventure classique dont l’action se passe dans un pays d’Amérique latine fantasmé, “La mort en ce jardin” (1956) ressemble à s’y méprendre à un John Houston … Mais quand on se penche plus avant sur cet opus moins connu du réalisateur du “Chien Andalou” et du “Charme discret de la bourgeoise”, on se rend compte que tous les thèmes bunueliens sont présents dans cette épopée en français aux têtes d’affiche étourdissantes : Simone Signoret, le tout jeune Michel Piccoli et Georges Marchal.

Dans une contrée d’Amérique latine, les mineurs sont en révolte contre des autorités qui n’hésitent pas à tirer sur les chefs du soulèvement. Parmi ces mineurs, mais relativement peu convaincu qu’il faut se battre contre les patrons, le vieux Castin (immense Charles Vanel) rêve de partir pour ouvrir son propre restaurant à Marseille. Il voudrait partir avec sa jolie fille sourde-muette, Maria (Michèle Girardon) et enlever pour l’épouser, Djin (Simone Signoret) jolie femme du petit village qui s’avère aussi être la cupide prostituée locale. Dans la repression de la révolte que le prêtre de la paroisse, le père Lizzardi, essaie de calmer (Michel Piccoli à 30 ans!), la tête de Castin est par erreur mise à prix. Au milieu de la tourmente débarque un fougueux aventurier, Shark (interprété par LE jeune premier de l’après-guerre, depuis un peu oublié, Georges Marchal). Tous ces personnages vont se retrouver à essayer de passer la frontière pour sauver leurs vies, bravant pour cela la terrible jungle qui s’avère être un varitable jardin de la mort.

Film d’action époustouflant, servi par un casting de rêve, “La mort en ce jardin” est une adaptation du roman de José-André Lacour (Julliard, 1954). Bunuel a conservé la structure du roman, avec une première partie consacrée à la révolte des mineurs et une deuxième partie montrant les personnages principaux aux prises avec la nature. Il a cependant recentré l’attention sur l’évolution des personnages, aidé par Luis Alcoriza et Raymond Queneau appelé d’urgence au Mexique pour aider à peaufiner le scenario du film tourné en trois semaines. Les chassés-croisés amoureux se font et se défont tandis que les personnages se battent contre les éléments furieux de la jungle. Mais le héros n’est peut-être pas celui-qu’on croit, Shark-Marchal n’évoluant pas tandis que Lizzardi-Piccoli se détache peu à peu de sa soutane de prêtre colonialiste. Au coeur du film, la scène de nuit où il se rappelle l’anecdote des “oeufs mollets” au séminaire est d’ailleurs un des plus beaux moments qui se clôt de manière un peu absurde et très touchante sur les mots “Ma mère s’appelait Marie”. En effet, si à première vue, “La mort en ce jardin” est un film d’action à l’américaine dont l’intrigue rappelle l”African Queen’ de John Houston (1951), certains détails rappellent la signature de Bunuel : la scène de la taverne où Shark et Maria se trouvent rapprochés par les lacets défaits de la jeune femme, la scène de décomposition du serpent, pauvre pitance posé un moment pour allumer un feu et qui est immadiatemment dévoré par les fourmis, et celle de la carte postale qui transporte un instant le public des tréfonds de la forêt vers la bruissante avenue des Champs-Elysées en pleine nuit.

Un grand film de la période mexicaine, moins connu que “Los Olvidados”, mais qu’il faut décidément voir ou revoir.

Les bonus du DVd couleurs des éditions Montparnasse sont extrêmement instructifs.  Charles Tesson (Les Cahiers du Cinéma) retrace bien le contexte du film et les thèmes bunueliens qui le traversent, tandis-que Philippe Rouyer (Positif) analyse finement deux scènes.

La mort en ce jardin, un film de Louis Bunuel, avec , directeur de la photographie  Jorge Stahl Jr, scenario Louis Bunuel,  Luis Alcoriza, et Raymond Queneau, avec 
Simone Signoret, Michel Piccoli, Georges Marchal, Michèle Girardon, Charles Vanel, France et Mexique, 1956, 104 min, éditions Montparnasse, collection “Montparnasse classiques”, 20 euros. Sortie le 8 juin.

Crédit photo : Simone Signoret et Georges Marchal © Bauer International

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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