Didier Decoin, chronique du livre qui a inspiré le film 38 Témoins : Est-ce ainsi que les femmes meurent?
Sortie en 2009 chez Grasset, le roman de Didier Decoin, “Est-ce ainsi que les femmes meurent? ” a inspiré le film de Lucas Belvaux qui sort ce mercredi 14 mars 2012 : “38 témoins” (voir notre critique). L’un comme l’autre traitent de l’indifférence meurtrière de tout un voisinage au martyre d’une jeune-femme assassinée et violée par un psychopathe. “Est-ce ainsi que les femmes meurent?” vient d’être réédité.
New-York, 1964. Kitty Genovese est une jeune italo-américaine vivant dans le Queens avec sa copine et travaillant dans un bar. Douce, jolie et appréciée, elle est retrouvée morte affreusement lacérée de coups de couteaux dans le hall de son immeuble. En interrogeant les voisins de la jeune-femme, les policiers parviennent parfaitement à reconstituer le crime : attaquée par le psychopathe Winston Moseley, qui n’en est pas à son premier meurtre, elle a reçu plusieurs coups de couteau dans le dos et a appelé au secours. Un homme a ouvert les fenêtres et a hurlé “ça suffit!”. Assez pour convaincre le serial killer d’aller cacher sa voiture trop reconnaissable, mais comme personne n’est descendu, le tueur est revenu achever son œuvre en lacérant une Kitty à terre et qui s’était déplacée dans le hall de son immeuble. En tout, le supplice a duré plus d’une demi-heure. Et il était trop tard quand les secours ont finalement été appelés : Kitty n’a pu être sauvée.
Traitant sur le mode du thriller le thème bouleversant de l’indifférence à la souffrance des autres et la non assistance à personne en danger, “Est-ce ainsi que les femmes meurent?” est un roman d’une finesse psychologique éblouissante. Le roman a donc inspiré le film de Belvaux, mais est très différent de la version ciné qui se passe dans un quartier bourgeois du Havre. Là où Decoin dépeignait le Queens des années 1960 et s’appesantissait sur les perspectives de la victime et de son bourreau, Belvaux a enlevé beaucoup de chair pour se concentrer sur les réactions lâches des voisins. Si bien que le livre reste une agréable et violente surprise, même pour ceux et celles qui auraient déjà vu le film. Un livre qui détourne son attention des motivations évidentes de la lâcheté pour se concentrer sur ses conséquences : l’assassinat horrible d’une jeune femme qu’on aime tous aimer. Et si l’enquête et les témoignages sont le cœur du film, le livre commence immédiatement au procès du criminel (hors-champ chez Belvaux) où les témoins ne sont qu’un décor macabre.L’un et l’autre se complètent donc, et pour ceux et celles qui auraient raté la première édition du thriller profond de Decoin, le 7e art donne une fois encore l’occasion d’organiser un petit cours de rattrapage littéraire.
Didier Decoin, “Est-ce ainsi que les femmes meurent ?”, Grasset, 2012 [2009], 230p, 17.90 euros.
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