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Cinéma du réel 2021 : des Prix remis à des films entre passé et présent incertain

Cinéma du réel 2021 : des Prix remis à des films entre passé et présent incertain

23 March 2021 | PAR Geoffrey Nabavian

La 43e édition du Festival international du film documentaire s’est achevée le 21 mars, après une dizaine de jours de projection sur Internet. Ses Prix couronnent au final des films signés par des noms encore peu connus du grand public, s’échinant pour la plupart à convoquer le passé pour lire un présent toujours en mouvement.

En 2021, le Festival Cinéma du réel a vu sa 43e édition se dérouler du 12 au 21 mars, entièrement sur Internet : la plateforme CanalRéel a proposé jour après jour des projections et rencontres accessibles au public, aux jurys des différentes sections et aux professionnels, à la manière d’un festival “en présentiel”. Les Prix de cette édition distinguent au final un ensemble de films courts et longs, et de projets en devenir, navigant entre les combats du passé, et un présent marqué par l’incertitude, en passant par quelques paysages immuables. Beaucoup de noms encore peu connus du grand public sont révélés.

Longs-métrages primés qui questionnent le passé, et son retour

Côté longs-métrages, le jury – composé cette année de Rémi Bonhomme, Hassen Ferhani, Juruna Mallon, Laetitia Moreau et Yolande Zauberman – a choisi de décerner le Grand Prix Cinéma du réel 2021 à The Inheritance, de l’américain Ephraim Asili, consacré aux existences parallèles de l’organisation d’activisme politique MOVE et du Black Arts Movement, destiné à mettre en lumière les travaux d’artistes afro-américains, avec en prime l’évocation du parcours personnel du réalisateur au sein d’organismes similaires. Un Grand Prix avec à la clé 5 000 euros offerts par la Bibliothèque publique d’information du Centre Georges Pompidou, et 3 000 euros décernés par la Procirep.

Le Prix International de la Scam est allé à Odoriko, de Yoichiro Okutani, qui prend pour sujet l’art du strip-tease à la manière japonaise et son déclin au sein des temps actuels. Avec 5 000 euros remis par la Scam à titre de récompense. Le film est également reparti avec le Prix du Patrimoine culturel immatériel – remis par un jury composé de Valérie Perles, Damien Mottier, Thomas Mouzard – représentant 2 500 euros, décernés par la Délégation à l’inspection, la recherche et l’innovation, direction générale des patrimoines et de l’architecture du Ministère de la Culture. Quant au Prix de l’Institut Français – Louis Marcorelles, il a couronné L’Etat des lieux sera dressé à onze heures en présence de la femme du poète, du français Martin Verdet, film prenant place dans le bureau bientôt vide du défunt Franck Venaille. Avec à la clé 5 000 euros remis par l’Institut Français.

Quant au Prix de la musique originale – 1 000 euros, décernés par la Sacem – il a distingué le travail de Sergei Tcherepin et Lea Bertucci, sur le film Rock Bottom Riser, de Fern Silva, consacré à Hawaï, à la lave menaçante qui y couve et aux projets de construction qui s’y développent, pas cautionnés par tous.

Courts et Premiers films : entre passé et techniques ultra-modernes

Le jury jaugeant les courts et les premiers films – composé de Fatma Chérif, Elisabeth Franck-Dumas, Michael Wahrmann, Catherine Millet et Damien Manivel – a décerné son Prix du court-métrage à Random Patrol, du français Yohan Guignard, qui suit un policier américain d’Oklahoma City appréhendant les interpellations. Avec à la clé 2 500 euros décernés par la Bibliothèque publique d’information. A noter qu’une Mention spéciale est allée à Nightvision, de la française Clara Claus, qui s’attache à l’assistante d’un photographe dans les Hamptons, aux Etats-Unis, remarquant qu’un homme vient l’observer la nuit, de dehors.

Côté Premiers films, le Prix Loridan-Ivens/Cnap a distingué Feast, du néerlandais Tim Leyendekker, qui empoigne un sujet terrible, à savoir l’affaire du sang contaminé de Groningue. Un prix doté par Capi Films (2 500 euros) et le CNAP (4 000 euros). Avec une Mention spéciale donnée à Dear hacker, d’Alice Lenay, film consacré à une tentative de communication avec un pirate informatique.

Quant au Prix du court-métrage Tënk – représentant 500 euros et un achat de droits de diffusion SVOD sur la plateforme Tënk – il est allé à Un mal sous son bras, de la française Marie Ward, consacré au littoral libanais et à ses transformations, pas toujours heureuses, dues à l’économie.

Femmes aux destins tragiques, et paysages entre nature aride et modernité

Le Jury des Jeunes – Agathe Arnaud, Pierre Gaudron, Antonius Ghosn, Rose Hirgorom, Antony Labiod et Barbara Perin, accompagnés par la réalisatrice Sophie Bredier – a choisi comme lauréat du Prix des Jeunes – Cinéma du réelreprésentant un achat de droit à hauteur de 15 000 euros pour une diffusion sur Ciné+ – le film Les Prières de Delphine, de Rosine Mbakam, qui s’attache aux pas d’une jeune camerounaise ayant subi un viol à treize ans, étant ensuite devenue prostituée et se mariant enfin à un belge beaucoup plus âgé dans l’espoir d’une vie meilleure. Avec aussi une Mention spéciale donnée à Taming the garden, de Salomé Jashi, qui suit les activités d’un homme achetant d’immenses arbres centenaires afin de les replanter dans son jardin à lui, avec des résultats peu heureux.

Le Jury des Bibliothèques – formé des bibliothécaires Fabrice Ballery, Guénaelle Slanoski et Christophe Thomas, accompagnés par la réalisatrice Simone Bitton – a remis le Prix des Bibliothèques à Landscapes of resistance, de Marta Popivoda, consacré à Sonja, l’une des premières femmes Partisanes en Yougoslavie pendant la Seconde Guerre mondiale, et parmi les chefs de file du mouvement de Résistance au camp d’Auschwitz-Birkenau. Un prix doté par la Direction générale des médias et des industries culturelles du Ministère de la Culture (2 500 euros), avec aussi proposition d’achats de droits par la Bibliothèque publique d’information, permettant au film d’intégrer le Catalogue national Les Yeux Doc.

Le Jury de Route One / Doc – composé de Régis Sauder, Alice Guilbaud, Lev Khvostenko, Eva Markovits et Guillaume Massart – a également remis une récompense (un prix inauguré cette année), récompensant un diplômé ou une diplômée travaillant à son premier projet professionnel (avec à la clé un contrat, pour l’auteur, avec le CNC, à hauteur de 2 000 euros, équivalent à un pré-achat de droits pour le catalogue du CNC – Images de la Culture, ainsi qu’un accompagnement par Régis Sauder). Ce Prix Route One / Doc est allé à Morgane, de Charles Moreau-Boiteau, qui prend place dans la plaine de la Crau, non loin de la Camargue.

Au sein de la section Première fenêtre, un film a été choisi par les spectateurs, invités à voter sur MediapartWadi Jhannam, de Zoé Filloux, qui s’attache aux pas d’un botaniste dans un Liban agité par de graves soubresauts, s’est vu remettre le Prix du public “Première fenêtre”, représentant un achat de droits à l’auteur ou à la structure productrice, à hauteur de 2 000 euros, pour le catalogue du CNC – Images de la Culture.

Enfin, au sein de la sélection de projets ParisDOC Works-in-Progress, le partenaire du Festival Studio Orlando a choisi son Coup de cœur : Ici Brazza, d’Antoine Boutet, qui scrute les dernières heures d’une friche destinée à devenir un quartier éco-responsable, et sera donc accompagné en post-production.

Prochains rendez-vous

Dès la réouverture des salles de projection, les films primés à l’issue de cette édition 2021 de Cinéma du réel seront repris. Du 8 au 31 mars, la sélection Première Fenêtre, réunissant des travaux de réalisateurs émergents, reste visible sur Mediapart. La plateforme Tënk s’associe également à l’édition 2021 du Festival, en proposant notamment trois films de Pierre Creton (à partir du 19 mars) et des œuvres issues de la sélection 2021 (à partir du 26 mars).

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Visuel 1 : The Inheritance © Victoria Brooks / Ephraim Asili

Visuel 2 : Feast © Seriousfilm / Absent Without Leave

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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