Cinema
[Cannes, Un certain regard] Wenders : Péché de lourdeur pour son « Sel de la terre »

[Cannes, Un certain regard] Wenders : Péché de lourdeur pour son « Sel de la terre »

22 May 2014 | PAR Geoffrey Nabavian

La rencontre devait être émouvante: appelé par Juliano Ribeiro Salgado, fils de Sebastiao Salgado le photographe, afin de porter un oeil de cinéaste sur l’oeuvre de celui-ci, Wim Wenders nous livre un film trop informatif, où l’on ne ressent pas assez.

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Le Sel de la Terre 2Juliano Ribeiro Salgado aime à filmer son père en expédition photographique, en Arctique ou en Afrique, par exemple. De ces enregistrements naît aujourd’hui un film, auquel Wim Wenders a apposé sa patte. Wim Wenders, rompu par ailleurs à l’art du documentaire (Tokyo-Ga, Buena Vista Social Club, Pina…). Au final, un voyage nous est-il proposé au coeur de clichés témoignant de l’être humain, “sel de la Terre” selon Salgado ? Pas tout à fait. C’est un voyage dans la vie et les photos de celui-ci, certes, mais pas au coeur de ces dernières. Et là, le bât blesse.

On s’étonne que Wim Wenders ait choisi autant de photos différentes pour donner à voir l’art de Salgado. Le mariage de ce média avec le cinéma est assez ardu à obtenir, raison de plus pour procéder avec parcimonie. Ici, on n’a pas le temps de sentir : les images passent trop vite, et ne sont pas assez mises en lumière. Elles sont montrées, mais on ne les ressent pas. Pour celles prises au Sahel, par exemple, lors de catastrophes humaines, on voit l’horreur, mais il n’est pas offert de la mettre en perspective avec autre chose, pour élargir la vision. Très dommage, car les explications de l’artiste sont intéressantes. Et, inutile de le préciser, son travail, qui s’attache aux situations où l’humanité devient monstrueuse, est mise à l’épreuve par sa propre technique ou retourne à ses origines, demeure admirable.

On regrette d’autant plus que le film le gâche quelque peu en le soulignant avec l’une des bande originales les plus horripilantes qu’il nous ait été donnée d’entendre depuis des lustres. Sans variation, soporifique… Guère appropriée. Pourquoi ne pas avoir ménagé des plages de silence ?

Comme on ne ressent pas son travail, les détails fournis par Salgado finissent par tourner à l’accumulation. Le film alors semble très long. Ces défauts techniques nous attristent : le personnage, qui a redonné vie, au début du XXIème siècle, à la flore et à la faune d’un coin du Brésil, demeure passionnant. Oui, il est intéressant de rappeler les troubles survenus au Brésil dans les années 60, puis d’expliquer son exil puis son retour. Mais on aurait aimé emporter de la projection autre chose que le récit de sa vie. Une vraie émotion devant ses photos. Juste ça. Trop demander, hélas ?

Le Sel de la Terre, un documentaire de Wim Wenders coréalisé avec Juliano Ribeiro Salgado. Avec Sebastiao Salgado. 1h53.

Visuels: © Le Pacte

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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