
Cannes, jour 8 : brillante absence de Ryan Gosling, le charisme de Robert Redford, un film argentin sur les traces de Mengele et l’émotion Adèle par Kechiche
La journée a démarré sur les chapeaux de roues dans un Bangkok dynamité par Nicolas Winding Refn. Le très attendu « Only God forgives », en compétition, a semblé à une grande partie du public une sorte de « Drive » sous amphéts de violence dans un kitsch thaï épicé par la présence de Vithaya Panringarm en « dieu » et une Kristin Scott Thomas à contre-emploi en mélange de « Lady Macbeth et Donatella Versace » (dixit le réalisateur). Pas de chance pour le film, Ryan Gosling était aux abonnés absents, pour la conférence de presse, comme pour la montée des marches. Une nouvelle annoncée en direct au début de la conférence par Thierry Fremaux qui a lu un mot de l’acteur disant être retenu par le tournage de son propre film. Les mauvaises langues disent qu’ils sont à couteaux tirés avec Winding Refn… Heureusement le réalisateur danois a joué le jeu à fond, répondant à une journaliste lui demandant le pourquoi de tant de violence « oh mon dieu, on dirait une question de ma mère », puis de justifier par un gloubi-glouba aussi séduisant qu’adolescent, entre Nietzsche et Aristote, la violence permet de s’éclater : « L’art est un acte de violence, il s’agit de pénétration. Certaines choses m’excitent plus que d’autres, je ne me considère pas comme un homme violent et pourtant je suis fétichiste des émotions violentes, les faire passer par l’art est un exercice de l’instinct de survie, nous avons un besoin et physique et spirituel de violence ». Plus pragmatique dans son rôle de maman, Kristin Cott Thomas avoue avoir adoré jouer les Cruella…
A 11h était projeté hors compétition « All is lost » de JC Chandlor. Le jeune et pétillant réalisateur de « Marggin Call » a embauché comme acteur principal de son film… Robert Redford, dans un rôle de survivant et loup de mer solitaire. Alors que son film est sur tous les écrans, le mythe était à Cannes hier, toujours aussi irrésistiblement élégant et profond dans ses propos à la conférence de presse.
L’après-midi a été marquée par la projection dans la sélection « Un certain regard » d’un film quasi-naturaliste sur les jours cachés du Docteur Mengele en Patagonie. « Walkoda » de la réalisatrice et écrivaine argentine Lucia Puenzo a séduit le public.
A 20h, place à Ted Kotcheff dans « Cannes Classics » pour « The apprenticeship of Duddy Kravitz » (1974) où le réalisateur de « La grande cuisine » s’est penché sur le ghetto juif de … Montréal !
Enfin, long de 3 heures, commençant sur 10 minutes de lecture scolaire de Marivaux, irritant, filmant la bouche béante de sa nouvelle égérie, Adèle Excharpoulos, comme si elle allait nous avaler depuis l’autre bout de l’écran, “La vie d’Adèle chapitre 1 et 2” de Abdellatif Kechiche est néanmoins la plus belle histoire d’amour et le plus beau portrait (double) de femme de la compétition. Filmée dans les coloris qui vont avec la BD dont il est tiré « Le Bleu est une couleur chaude », est une romance pleine de vie (et de superbes scènes de sexe) entre la lycéenne voluptueuse jouée par Excharpoulos et une Léa Seydoux encore une fois bluffante en étudiante aux beaux arts de Lille. Une histoire d’amour, de passion et aussi de vocation puisque la vibrante Adèle veut être institutrice ! Parce qu’il ne simplifie jamais rien, surtout pas les jeunes filles en fleur, le film est absolument bouleversant. Parce qu’il filme un couple de femmes sans métadiscours politique, le film est parfaitement engagé. Une claque.
Rendez-vous ce jeudi 23 mai pour un 9ème jour de compétition qui sera marqué par la projection de “Nebraska”et Michael Kohlhaas. Et par la soirée de clôture de la semaine de la critique et une soirée d’hommage à Jean Cocteau, du côté des classics.