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Cannes 2023 : une Quinzaine des cinéastes sous le signe du doute et des essais

Cannes 2023 : une Quinzaine des cinéastes sous le signe du doute et des essais

18 April 2023 | PAR Geoffrey Nabavian

Les films retenus pour être montrés pendant la Quinzaine des Cinéastes abordent beaucoup de thèmes liés au doute et à la difficulté de se construire. Une sélection où bien des découvertes sont à prévoir.

La Quinzaine des cinéastes révèle les films qui vont être montrés et offerts aux spectateurs avides de nouveaux styles et points de vue, pendant qu’elle se tiendra, entre le 17 et le 26 mai. Pendant le temps du 76e Festival de Cannes, elle va proposer des œuvres qui ambitionnent d’être singulières.

Cinéma sur le doute

On remarque que la vingtaine de longs-métrages de la sélection retenue au final paraît habitée par des questions liées au doute, et à la difficulté de se construire, en cette année 2023

On trouve trace de ces aspects dans L’Autre Laurens, nouvelle réalisation de Claude Schmitz, qui fut aux commandes du magnifique Braquer Poitiers. On y suit une jeune fille soupçonnant son père d’avoir été assassiné et retrouvant son oncle, détective privé, pour enquêter avec lui. Un long-métrage qui sortira soutenu par Arizona Distribution, avec à son casting Olivier Rabourdin. La construction de soi est une question qui paraît aussi fortement irriguer Conann, nouveau film réalisé par Bertrand Mandico, spécialiste à sa manière des identités déplacées et mélangées, qui s’illustra avec Les Garçons sauvages. Ou l’épopée expressionniste, et sans doute fantasmatique et fétichiste d’une guerrière façon Conan le Barbare, dans des mondes inconnus. Un film expérimental interprété par la bande habituelle de Mandico, qui sortira via le travail d’UFO Distribution, structure qui accompagne le cinéaste depuis des années. De même, Le Livre des solutions, le nouveau film réalisé par Michel Gondry, montre un réalisateur lancé dans une sorte de tournage intimiste, violemment assailli de doutes, le tout à la manière Gondry, bien particulière. Avec dans le rôle principal Pierre Niney, et The Jokers à la distribution pour la sortie française.

Le Procès Goldman de Cédric Kahn, qui sera le Film d’ouverture de la section, prend appui sur une affaire judiciaire réelle et médiatisée en son temps pour questionner la notion de culpabilité et d’engagement : accusé de meurtres, Pierre Goldman était également regardé par certains comme un contestataire d’importance. Avec dans le rôle principal, le magnifique Arieh Worthalter. Un long-métrage à la sortie prévue dans les salles françaises le 27 septembre, distribué par Ad Vitam. A noter aussi, la présence dans ces sélectionnés d’Un prince, la nouvelle réalisation de Pierre Creton. Celui qui signa Secteur 545, sorti en 2006, Maniquerville (2010), Va, Toto ! (2017) et Le Bel Eté (2019) est pour l’essentiel un auteur de documentaires de création, très proche de la terre agricole, sur le fil entre réalisme et rêve. Son nouveau film s’annonce comme un étrange récit centré sur un jeune homme devenant jardinier et un curieux château.

Héroïnes et héros se construisant une vie, face aux doutes

C’est également la difficulté de se construire une vie, face aux doutes nombreux, qui est au rendez-vous avec Agra, de Kanu Behl, et son héros qui veut se marier, dans l’Inde d’aujourd’hui, alors qu’il habite toujours au sein de sa famille, biscornue, plus ou moins désunie et vivant pourtant entièrement réunie dans une seule maison. Et c’est aussi une bâtisse qui trône au centre de Creatura, réalisé et interprété par Elena Martin Gimeno : de retour dans cette demeure où elle grandit dans le temps, une femme se souvient de ce qui la complexa vis-à-vis de son corps. Un long-métrage qui sera sorti en France par UFO DistributionIn flames, lui, prend place au Pakistan et emprunte des chemins plus ardus : une femme, livrée à elle-même avec sa fille, doit cesser de fuir et affronter ce qui la menace, même si cela s’avère sanglant. Réalisé par Zarrar Kahn, il sera distribué par The Jokers. Inside the yellow cocoon shell cadre, lui, le voyage d’un jeune homme avec le corps de sa belle-sœur à enterrer, au cœur des montagnes du Vietnam. Un long signé par Thien An Pham. On sait par ailleurs que Conte de feu, film américain de Weston Razooli, est a priori un portrait de femme au sein de sa famille juive, avec un style un peu expérimental.

Déserts, qui marque le retour du réalisateur Faouzi Bansaïdi (Mille mois, Mort à vendre, Volubilis), met lui deux hommes aux vies réglées face à l’imprévu, qui les emmène vers un voyage habité par des énergies mystiques : employés au recouvrement dans les espaces désertiques du grand Sud du Maroc, ils croisent par hasard un mystérieux inconnu, qui leur fait débuter ce périple. Quant à Légua, de Filipa Reis et Joao Miller Guerra, il dépeint deux raisons qui tentent de ne pas vaciller : celle d’une femme âgée qui se trouve à devoir prendre en charge une autre femme, dans la cinquantaine et malade. Le tout dans une région rurale du Portugal en train de se transformer. Mambar Pierrette, lui, fait également la peinture d’une femme sur la brèche, qui gère un atelier de couture dans des conditions extrêmes, au sein d’un Cameroun très pauvre. Un long-métrage signé par la réalisatrice Rosine Mbakam. Et The sweet East, lui, est un film américain qui suit une femme fréquentant un grand nombre de cultes étranges, à travers les Etats-Unis. Un long-métrage réalisé par Sean Price Williams, co-signataire du controversé Eyes find eyes, sorti dans les salles françaises en 2011.

A noter enfin que le Film de clôture, In our day le nouveau film d’Hong Sang-soo, ne dévoile pas son synopsis – même si on peut prévoir un récit sur la séduction et ses maladresses – et que Merle merle mûre est un projet plus mystérieux. On sait qu’il est réalisé par Elene Naveriani, déjà aperçue dans les salles françaises avec I am truly a drop of sun on earth. C’est un peu la même chose aussi pour La Grâce, d’Ilya Povolotsky. Ainsi que pour The feeling that the time for doing something has passed, de Joanna Arnow, et A song Sung blue, film chinois de Zihan Geng.

Quant au film qui prête l’un de ses motifs à l’affiche chargée de représenter cette Quinzaine de 2023, Val Abraham, il sera projeté lors d’une Séance spéciale. Il est considéré par beaucoup comme le chef-d’oeuvre du réalisateur portugais Manoel de Oliveira, mort en 2015, à 106 ans.

Un ensemble de films longs-métrages sélectionnés qui font sentir avec force, à première vue, leur caractère de “formes libres venues de tous les horizons” et leur “singularité […] dans ce qu’elle a de plus irréductible à toute classification“, pour reprendre les mots de Julien Rejl, délégué général au sein de la Quinzaine, accompagné de Christophe Leparc, Secrétaire général.

Courts-métrages qui font face au monde avec les arts

Du côté des courts-métrages, un nouveau film de moins d’une heure de la réalisatrice de Crache cœur sera montré : J’ai vu le visage du diable. Celle qui le signe, Julia Kowalski, le situe cette fois en Pologne, et centre son histoire sur une jeune fille allant rencontrer un prêtre car elle se sent possédée. Margarethe 89 de Lucas Malbrun, lui, évoque aussi, en style animé, un esprit perturbé, avec cette fois l’ombre de la RDA qui plane au-dessus de lui.  Le court français Dans la tête un orage de Clément Pérot fait également partie de la sélection retenue au final.

Sous la bannière italienne est proposé L’Anniversaire d’Enrico, dans lequel le réalisateur Francesco Sossai se remémore un souvenir de jeunesse, qui l’amène à questionner passage du temps et société italienne. Avec aussi Lemon Tree de Richard Walden, au sein des sélectionnés.

Est également présent La Maison brûle, autant se réchauffer, de Mouloud Aït Liotna. Talking to the river de Yue Pan figure aussi parmi les courts sélectionnés au final, au même titre qu’Oyu, d’Atsushi Hirai, soutenu par Damien Manivel dont il a été l’assistant.

Enfin, on trouve parmi ces courts Mast-Del de l’iranienne Maryam Tafakory, qui signe des films assez expérimentaux notamment fondés sur les archives, la calligraphie et les arts graphiques. Et The Red Sea makes me wanna cry, de Faris Alrjoob, qui lui aussi convoque des disciplines artistiques de différentes natures afin d’amener à réfléchir.

On sent au sein de ces courts une grande diversité parmi les outils employés pour raconter et faire voyager et réfléchir. En même temps qu’une volonté peut-être commune de confronter le monde présent, et des éléments de son passé, à des doutes personnels.

La Quinzaine des Cinéastes, en 2023, se tiendra entre le 17 et le 26 mai, pendant le temps du Festival de Cannes.

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Visuel / Visuel Une : affiche pour la Quinzaine des cinéastes de 2023 © Quinzaine des cinéastes

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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