Danse
La vie de Toulouse-Lautrec vue par Kader Belarbi

La vie de Toulouse-Lautrec vue par Kader Belarbi

18 April 2023 | PAR Victoria Okada

Le Théâtre des Champs-Élysées présente, dans le cadre de TranscenDanses, le ballet Toulouse-Lautrec par le Ballet de l’Opéra National du Capitole de Toulouse, une création chorégraphique (2021) de son ancien directeur Kader Belarbi.

Sa première parisienne au Théâtre des Champs-Elysées avait été annulée à cause du mouvement social actuel ; le ballet Toulouse-Lautrec a pourtant pu maintenir les trois représentations suivantes.
L’œuvre retrace la vie du peintre Henri de Toulouse-Lautrec, surnommé Monsieur Cloche-Pied, et ses fréquentations nocturnes du milieu artistique de Montmartre.

Ramiro Gómes Samón dans le ballet Toulouse-Lautrec

L’étoile Ramiro Gómez Samón tient le rôle-titre avec une incroyable ténacité, dans une sorte de pantalon sarouel qui imite les jambes atrophiées de son personnage. Son corps, souple comme un félin, vigoureux comme une flèche, s’adapte merveilleusement aux différents tableaux très variés.

Les danseurs endossent des personnages historiques connus et moins connus, habillés dans les costumes colorés de l’époque (Olivier Bériot). Ainsi, au cours du spectacle, nous croisons les figures emblématiques de la Butte, telles que La Goulue (Solène Monnereau), Cha-U-Kao (Kayo Nakazato), Jane Avril (Natalia de Froberville), mais aussi Suzanne Valadon (Marlen Fuerte Castro), modèle et maîtresse de Toulouse-Lautrec.

Ballet Toulouse-Lautrec

Dans une scénographie minimaliste aux couleurs sobres (Sylvie Olivé — les panneaux aux papiers rectangulaires superposés qui entourent la scène évoquent les affiches publicitaires collées sur les murs d’immeubles — et sous d’éloquents jeux de lumière (Nicolas Olivier), la chorégraphie de Kader Belarbi présente les regards et les ressentiments du peintre face aux femmes à des conditions extra-ordinaires.

Sa mère, la comtesse Adèle (Alexandra Surodeeva), n’est jamais loin et Belarbi le montre avec une efficacité redoutable par des procédés de flash, comme au cinéma. Épaulé par la conseillère artistique Danièle Devynck et la spécialiste de chorégraphie de cabaret et de music-hall Laurence Fanon, Kader Belarbi transforme le french cancan et les scènes d’extravagance du cabaret en un art élégant et joyeux.

Belarbi n’hésite pas à donner un numéro entier au rôle d’Yvette Guilbert*, la célèbre « diseuse », que Simon Catonnet incarne avec un incontestable talent de comédien, vêtu des fameux gants noirs. Que ce soit les passants, les danseuses de music-hall ou les clients de ces établissements, Belarbi confère au corps du ballet un véritable rôle, celui de la masse, grâce aux mouvements tantôt vifs, tantôt apaisés.

La musique originale de Bruno Coulais met particulièrement l’accent sur le caractère populaire avec un accordéon (Sergio Tomassi) et un piano Phoenix (piano numérique pliable, Yannaël Quenel). L’association de ces deux instruments permet de produire de multiples couleurs et timbres, ce qui permet des expressions appropriées à chaque scène.

Dans ce spectacle richement coloré, où des épisodes de la vie de Toulouse-Lautrec se succèdent les uns aux autres, un peu à la manière cinématographique, les personnages sont foisonnants, à l’image des rues de Paris, populaires et excitants. C’est précisément de ce foisonnement qu’émerge la vie de l’artiste. Kader Belarbi traite le peintre au milieu du tourbillon de la ville moderne, comme s’il y était entraîné par une force invisible.

* Ce rôle n’est pas mentionné dans le programme.

Toulouse-Lautrec sera présenté à la Maison de la Danse de Lyon du 10 au 16 mai prochain.

Visuel © David Herrero

La femme à qui rien n’arrive, un petit bijou littéraire
Cannes 2023 : une Quinzaine des cinéastes sous le signe du doute et des essais
Victoria Okada

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration