Cinema
Cannes 2023, Compétition : La Chimère et ses tics auteurisants

Cannes 2023, Compétition : La Chimère et ses tics auteurisants

27 May 2023 | PAR Geoffrey Nabavian

Ce nouveau long-métrage d’Alice Rohrwacher est ambitieux, et affiche des partis-pris. Mais ses personnages errent comme des zombies, jusqu’à la pose. Et tout s’étire trop.

D’emblée, on sent que ça ne va pas être gagné. Mais alors vraiment, vraiment pas. Le synopsis choisi au final pour présenter La Chimère et le scénario qu’on y suit arbore les termes suivants, pour qualifier le don de son héros : “il ressent le vide“. Aïe. Comment traduire un tel concept dans un film ? Défi passionnant, s’il en est. Et Alice Rohrwacher reste une réalisatrice qui ne manque pas d’idées.

Paf ! tout de suite, les moyens utilisés en ce qui concerne cet élément de scénario ne marchent pas. Il ne suffit vraiment pas de recourir à un jeu de caméra sensé figurer la gravité renversée pour suggérer que le héros central sent qu’une tombe ancienne se cache sous ses pieds. A l’écran, on ne voit qu’images vaines, là où on aimerait trouver une sensation vertigineuse.

A part ça donc, qu’a-t-on à se mettre sous la dent ? Une thématique intéressante, engagée, touchant le pillage par des voleurs de tombeaux archéologiques dans l’Italie rurale aujourd’hui. Un ton qui vise surtout à rester dans une forme d’onirisme. Des séquences qui font office de ruptures parfois, avec notamment au menu quelques scènes musicales. Et puis aussi quelques personnages qui paraissent vouloir évoquer les grandes comédies italiennes. Et une photographie dirigée par Hélène Louvart très travaillée, enfin, qui scrute les nuances de gris du cadre filmé. 

Malheureusement, Alice Rohrwacher enveloppe tout ceci avec des prétentions. Sa mise en scène étouffe le rythme : elle amène les personnages à afficher un côté erratique très vain. Ils se meuvent lentement, s’échinent mollement à effectuer leurs besognes, et ils traînent. Un grand nombre de scènes elles aussi traînent en longueur. On se questionne sur le pourquoi de ce parti-pris. A part une pose auteurisante, on ne voit pas ce qui en ressort.

Difficile dès lors de se tenir accroché à ceux qui s’activent longuement à l’écran, malgré le talent de leurs interprètes. On pense à l’énigmatique figure de Josh O’Connor, personnage central ici, et à sa présence qui l’est tout autant. Dommage que le film étouffe son charisme en l’envoyant vainement se mouvoir comme un sourcier, lors de scènes interminables.

Le Festival de Cannes 2023 se poursuit jusqu’au 27 mai.

Retrouvez tous les films du Festival dans notre dossier Cannes 2023

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Visuel : © 2023 – tempesta srl – ad vitam production – amka films productions – arte france cinema

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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