
Cannes 2023, Compétition : La Chimère et ses tics auteurisants
Ce nouveau long-métrage d’Alice Rohrwacher est ambitieux, et affiche des partis-pris. Mais ses personnages errent comme des zombies, jusqu’à la pose. Et tout s’étire trop.
D’emblée, on sent que ça ne va pas être gagné. Mais alors vraiment, vraiment pas. Le synopsis choisi au final pour présenter La Chimère et le scénario qu’on y suit arbore les termes suivants, pour qualifier le don de son héros : “il ressent le vide“. Aïe. Comment traduire un tel concept dans un film ? Défi passionnant, s’il en est. Et Alice Rohrwacher reste une réalisatrice qui ne manque pas d’idées.
Paf ! tout de suite, les moyens utilisés en ce qui concerne cet élément de scénario ne marchent pas. Il ne suffit vraiment pas de recourir à un jeu de caméra sensé figurer la gravité renversée pour suggérer que le héros central sent qu’une tombe ancienne se cache sous ses pieds. A l’écran, on ne voit qu’images vaines, là où on aimerait trouver une sensation vertigineuse.
A part ça donc, qu’a-t-on à se mettre sous la dent ? Une thématique intéressante, engagée, touchant le pillage par des voleurs de tombeaux archéologiques dans l’Italie rurale aujourd’hui. Un ton qui vise surtout à rester dans une forme d’onirisme. Des séquences qui font office de ruptures parfois, avec notamment au menu quelques scènes musicales. Et puis aussi quelques personnages qui paraissent vouloir évoquer les grandes comédies italiennes. Et une photographie dirigée par Hélène Louvart très travaillée, enfin, qui scrute les nuances de gris du cadre filmé.
Malheureusement, Alice Rohrwacher enveloppe tout ceci avec des prétentions. Sa mise en scène étouffe le rythme : elle amène les personnages à afficher un côté erratique très vain. Ils se meuvent lentement, s’échinent mollement à effectuer leurs besognes, et ils traînent. Un grand nombre de scènes elles aussi traînent en longueur. On se questionne sur le pourquoi de ce parti-pris. A part une pose auteurisante, on ne voit pas ce qui en ressort.
Difficile dès lors de se tenir accroché à ceux qui s’activent longuement à l’écran, malgré le talent de leurs interprètes. On pense à l’énigmatique figure de Josh O’Connor, personnage central ici, et à sa présence qui l’est tout autant. Dommage que le film étouffe son charisme en l’envoyant vainement se mouvoir comme un sourcier, lors de scènes interminables.
Le Festival de Cannes 2023 se poursuit jusqu’au 27 mai.
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