
Cannes 2022, Quinzaine des réalisateurs : L’Envol, conte avec fulgurances esthétiques au fond déjà-vu
Nouveau film de Pietro Marcello, L’Envol vaut surtout pour les passages où il impose un univers intrigant et ouvert sans trop en faire, et pour quelques-uns de ses interprètes, chevronnés.
Montré au Festival de Cannes 2022 en tant que film lançant le temps de la Quinzaine des réalisateurs, L’Envol prend place dans un contexte simili-réaliste – l’après-Première Guerre mondiale – semé d’éléments instaurant en même temps une ambiance proche des contes fantastiques, de manière guère déplaisante. On y suit pour commencer le retour d’un homme usé dans la propriété agricole où celle qu’il aime l’attendait, et sa découverte de la mort de son amour, et de la fille qu’elle lui a laissée, qui deviendra le vrai personnage central du scénario après quelques bobines.
La mayonnaise commence par prendre : le film est servi par des interprètes merveilleux, Raphaël Thiéry et Noémie Lvovsky en tête. Le premier traverse sa partition avec une incarnation et surtout une justesse magnifiques, tandis que la seconde touche beaucoup en propriétaire veuve en difficulté.
Les images apparaissent très travaillées, mais elles ont le bon goût d’épouser en même temps parfaitement le cadre pour mieux faire ressortir sa valeur. Un climat intemporel finit par s’instaurer. Un peu plus, et on serait tenté, devant ce début, d’affirmer que Pietro Marcello, le réalisateur, tente ici de réfléchir sur le passage de ses personnages à l’ère moderne : un thème que l’on retrouvait déjà dans son Martin Eden, traité ici de façon bien plus aérée.
Pourtant, le décrochage finit par s’inviter dans ce programme plutôt conséquent. La faute à un élément qui, on peut trouver, ne tient pas la route : le fond du film. Il est composé au final de plusieurs thématiques semblant “posées” les unes à côté des autres, et plaquées avec trop d’instance pour certaines. Féminisme, passage à l’âge adulte, différence de classes : tous ces thèmes sont traversés avec une subtilité qui fait un peu défaut.
Ainsi, on finit par n’être plus guère intéressé par le parcours de la jeune Juliette, qui supplante son père comme héroïne au bout d’un moment, et par les sujets graves dont veut parler le réalisateur, car ceux-ci apparaissent traités sans assez de profondeur. Et une impression de manque d’originalité finit par s’installer aussi, étouffant la poésie…
Visuel : © Le Pacte