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Cannes 2019, Semaine de la critique : “Tu mérites un amour”, un premier long métrage percutant et délicat sur un chagrin d’amour

Cannes 2019, Semaine de la critique : “Tu mérites un amour”, un premier long métrage percutant et délicat sur un chagrin d’amour

22 May 2019 | PAR Sabrina Obadia

L’actrice Hafsia Herzi, révélée en 2007 par Abdellatif Kechiche dans La Graine et le Mulet, envahit l’écran d’amour.

Tout le monde a cherché, perdu et retrouvé un amour. Le film de Hafsia Herzi nous plonge dans les pics et les pentes émotionnels du chagrin lié à la rupture amoureuse. De l’étonnement d’être encore en vie, de la peur d’être libre, du manque insoutenable de l’être aimé, la réalisatrice nous percute en plein cœur, réanimant notre passé, notre instinct de survie, notre rage, et l’envie de comprendre. Barbara l’avait pourtant écrit : « A chaque fois qu’on parle d’amour, c’est avec jamais et toujours, on refait le même chemin en ne se souvenant de rien ». 

Errance, désespoir, éclats de rire, elle ne sait plus qui elle est après la violente rupture qu’elle vient de vivre avec son petit ami. Il l’a trompé, lui a menti puis est parti en Bolivie. Trois semaines durant lesquelles, Lila est face à elle même, désespérée, jusqu’au jour où celui qu’elle ne voyait pas lui dit “Tu mérites un amour“. Quelqu’un a t-il déjà voulu la rendre heureuse ?

Inspirée du poème Tu mérites un amour de Frida Kahlo, Hafsia affirme qu’elle a toujours voulu filmer une histoire d’amour pour comprendre ce chagrin si particulier, celui qui rend parfois malade, celui contre lequel on lutte pour rester en vie. “Je voulais raconter ce moment où tu perds toute confiance en toi, où tu ne sais plus qui tu es. Tu te sens mourir ou tu souhaites la mort de l’autre, c’est violent et humain à la fois. Cet état là n’est pas souvent traité au cinéma. On parle plutôt des débuts de relation ou de la rupture, mais pas vraiment du chagrin. Peu importe son âge, sa condition sociale, sa personnalité, sa nationalité, l’amour est universel” souligne la réalisatrice.

Un film instinctif

La spontanéité du film véhicule une pureté et une profondeur immédiate, le tout enveloppé d’une extrême délicatesse. La caméra, fluide elle aussi, saisit en douceur l’éventail des ressentis amoureux. Entre fascination et répulsion, l’actrice-réalisatrice choisit des dialogues parfois burlesques et contemporains pour dédramatiser la rupture. Les seconds rôles permettent d’entrevoir les paradoxes qui animent Lila.

Un tournage express

En juillet dernier, Hafsia se lève un matin, prise d’une pulsion incrontrôlable, une envie de tourner tout de suite, sans contrainte, à l’instinct comme elle le dit.  Elle a les découpages en tête et réunit en quelques jours une équipe de novices motivés. Avec elle, rien n’est impossible car elle n’a rien à perdre. Liberté, adaptation, détermination, et des comédiens sincères pour réussir son film. Elle n’a tourné que 15 jours dans une économie draconienne. Lors de sa première projection mondiale cette semaine à la Semaine de la critique, la réalisatrice révèle que le film était encore en montage quand elle l’a envoyé. « Je n’avais rien à perdre, je me suis dit au pire, on a un film » dit-elle en souriant.

Très jeune, Hafsia déjà écrivait des petites histoires, elle observait ce qui se passait autour d’elle et rêvait de création. Elle dit avoir tout appris sur le tas, en regardant Abdellatif Kechiche travailler. C’est précisément pendant le tournage de La graine et le mulet qu’elle s’est décidée à réaliser son premier film. Elle s’est lancée en 2010 avec un premier court-métrage, Le Rodba, en séance spéciale à la Semaine de la critique. « Quand j’ai vu le boulot que ça représentait pour un résultat aussi court, je me suis dit la prochaine fois, ce sera un long ! ».

Charles Tesson, le Président de la Semaine de la critique, souligne sur scène que le film l’a saisi d’emblée par la justesse de son ton pour retracer de manière touchante et vivifiante le difficile deuil d’une histoire d’amour. Pour lui, la réalisatrice, entourée de comédiens au diapason du bel esprit insufflé par son film, incarne sans complaisance et avec conviction son beau personnage de jeune femme qui cherche l’amour pour combler celui qui vient à lui manquer.  Ce premier long métrage est pour lui un film généreux au charme contagieux.

Cannes 2019-Semaine de la Critique-1H42-première mondiale

En salle le 11 septembre 2019

Retrouvez tous les films des différentes sélections dans notre dossier Cannes 2019

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