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Cannes 2019, Quinzaine : “Alice et le maire” nous plonge dans les arcanes ridicules du pouvoir

Cannes 2019, Quinzaine : “Alice et le maire” nous plonge dans les arcanes ridicules du pouvoir

22 May 2019 | PAR Adrien Naselli

Une Normalienne, jouée par Anaïs Demoustier, est recrutée au cabinet du maire de Lyon, incarné par Fabrice Luchini, pour lui “donner des idées”. Une rencontre pas gagnée d’avance qui ébranle les deux personnages dans leurs certitudes, filmée par Nicolas Pariser.

Fabrice Luchini en maire de Lyon, l’image avait de quoi nous inquiéter. On retrouve en fait l’acteur, tout en retenue, se donnant entièrement à son personnage de Paul Théraneau, mastodonte du Parti Socialiste au bout du rouleau. L’acteur est amusant et presque touchant en homme lessivé par les années et la vacuité de l’action politique. Il cherche à renouveler sa pensée tout en conservant, dans un mouvement de résistance, toutes ses habitudes de l’ancien monde.

Anaïs Demoustier, elle, incarne à la perfection cette jeune femme brillante mais sans aspérités de 30 ans, produit de l’excellence méritocratique en tant que diplômée de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, dont le concours est l’un des plus difficiles de France. Après avoir enseigné la littérature française, elle se retrouve parachutée dans un monde qui lui est totalement étranger et où les règles du jeu s’écrivent plus en 140 caractères que sous la forme de dissertations.

Alice et le maire dépeint par ailleurs une réalité que beaucoup de trentenaires connaissent : celle des “bullshit jobs”. Le poste d’Alice a, en effet, des contours on ne peut plus flous : “Toi, tu es aux idées, lui dit une collègue blasée, incarnée par Nora Hamzawi. Tu prends du recul, quoi.” On ne parle pas des nombreux moments où, tandis qu’Alice est censée rédiger une fiche sur un philosophe pour ouvrir la culture du maire, on l’interrompt pour effectuer des tâches qui n’ont rien à voir avec ses fonctions.

Langue de bois

La dénonciation de la langue de bois politique provoque de grands moments de drôlerie. En lisant les dossiers de projets pour l’avenir de Lyon, Alice se prend la tête entre les mains et croit rêver : aucun de ces mots et expressions toutes faites, comme “bâtir une ville pour tous”, ne font sens pour elle. Son franc-parler touche Paul Théraneau autant qu’il le vexe, mais le résultat est le même : il fait de plus en plus appel à elle, au point de provoquer la jalousie du cabinet du maire et du service communication, qui marchent déjà sur les plate-bandes les uns des autres. En montant dans la hiérarchie, Alice se pose des questions sur elle-même : ce petit pouvoir qu’elle méprisait ne lui procurerait-il pas des frissons de bonheur insoupçonnés ?

Nicolas Pariser filme avec une grande subtilité la relation d’attachement grandissante entre Alice et le maire, en faisant rire le spectateur autant qu’il le fait réfléchir sur l’absurdité des rôles que l’on se doit d’endosser.

Retrouvez tous les films des différentes sélections dans notre dossier Cannes 2019

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Adrien Naselli

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