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Cannes 2018, Quinzaine des réalisateurs : “Tunisia Factory”, huit jeunes pousses du pays du jasmin

Cannes 2018, Quinzaine des réalisateurs : “Tunisia Factory”, huit jeunes pousses du pays du jasmin

10 May 2018 | PAR Alexis Duval

Pour sa journée inaugurale, avec Tunisia Factory, la Quinzaine des réalisateurs a donné la voix à des metteurs en scène tunisiens, le temps de quatre courts-métrages. Une sélection hétéroclite bienvenue.

Mercredi 9 mai 2018, les festivaliers cannois n’avaient d’yeux que pour Martin Scorsese. Mais avant que le cinéaste américain ne reçoive le Carrosse d’Or 2018 dans l’après-midi pour l’ensemble de son oeuvre, c’est sur une flopée de réalisateurs tunisiens que les projecteurs de la Quinzaine des réalisateurs étaient braqués en fin de matinée. Après Taipei en 2013, les pays nordiques en 2014, le Chili en 2015, l’Afrique du Sud en 2016 et le Liban en 2017, place au pays du jasmin. En quatre courts-métrages regroupés sous un titre : Tunisia Factory, huit jeunes pousses ont donné un aperçu de la production cinématographique tunisienne.

Le premier film, intitulé “Omertà”, est réalisé par Mariam Al Ferjani et Mehdi Hamnane. L’histoire d’un frère, d’une sœur et de deux de leurs amis qui refont le monde sur une plage avec alcool et haschich. Après une soirée plaisante, le réveil est plus douloureux : le frère est porté disparu… Un thème classique, mais bien mené et qui porte un regard juste sur la Tunisie d’aujourd’hui. S’il ne manque pas d’intérêt, il laisse toutefois un goût d’inachevé. Dire qu’un court-métrage est toujours l’ébauche d’un long-métrage tient du pur cliché et ne reflète en rien la richesse du genre. Mais dans le cas d'”Omertà”, force est de reconnaître que la fin abrupte appelle une suite… À quand un moyen ou un long-métrage? C’est à souhaiter, car il y a dans “Omertà” un œil prometteur.

Incommunicabilité, fléau des sociétés modernes.

Deuxième court-métrage, et notre préféré, Leila’s Blues d’Ismaël Louati et Fateme Ahmadi, a l’audace de nous confronter à deux questions sensibles, pour ne pas dire taboues, dans la société tunisienne : l’avortement et l’autisme. Leila se rend à l’hôpital avec son fils adolescent dans le but de mettre un terme à sa grossesse. Pendant qu’elle prend sa douche, son fils s’échappe de la clinique. Comme dans Omertà, il est question de disparition, et comme dans Omertà, le téléphone et les nouvelles technologies jouent un rôle prépondérant. Cause ou symptôme de l’incommunicabilité, fléau qui frappe les sociétés modernes ? Leila’s Blues n’a pas la prétention de trancher, mais propose une variation parfaitement menée sur la question.

Plus folklorique mais tout aussi fascinant, L’oiseau bleu de Rafik Omrani et Suba Sivakumaran nous emmène dans une grande fête, dans un restaurant de bord de mer, dans les environs de Tunis. On trouve dans cet Oiseau bleu des personnages un peu fous, entre la propriétaire, l’ami fidèle, les musiciens ou le playboy charmeur… Une farandole qui rappelle les délirants archétypes de Federico Fellini. Ça virevolte, ça danse, ça boit, ça repart pour un tour. Et c’est plutôt réjouissant.

Dernière sensation, Best Day Ever. Dans ce court-métrage signé Anissa Daoud et Aboozar Amini, une famille s’entre-déchire le temps d’un moment d’incompréhension. À travers les points de vue de la mère, du fils, du père et de la fille, les tensions entre les êtres s’expriment et chacun a sa version et ses torts. Efficace, le montage fait se succéder les quatre petites histoires pour constituer un court-métrage ambitieux dans sa forme. Le film Best Day Ever a clos Tunisia Factory, un programme éclectique et très cohérent qui augure du meilleur pour ses huit jeunes réalisateurs.

Visuel : affiche de “Tunisia Factory”.

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Alexis Duval

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