Cinema
Berlinale, jour 3 : les francophones sous les spotlights avec la religieuse et le retour de Romane Bohringer

Berlinale, jour 3 : les francophones sous les spotlights avec la religieuse et le retour de Romane Bohringer

11 February 2013 | PAR Yaël Hirsch

Cette troisième journée de compétition a quitté le concret de la question de la terre pour poser plus généralement celle de la liberté. Résultat des courses : Quatre films, un coup de cœur et trois déceptions, même après la projection hors-compétition de “The look of love” du talentueux Michael Winterbottom. Mais devant la caméra, ce troisième jour de Berlinale nous a aussi préparé un tapis roulant de stars francophones. Live-Report et photos…

La journée a commencé bien tôt (ça y est, la fatigue est là) par la projection du film de Sebastian Lelio, “Gloria”. Nous avions déjà adoré “Sagrada Familia” (2005) et nous avons été touchése par la sensibilité et la maturité de ce portrait de femme libre par le jeune réalisateur chilien. Dans le rôle-titre, la très belle Paulina Garcia bouillonne de vie, de gaité et de sensualité. Un film touchant jusqu’au derme, défendu avec simplicité par le réalisateur et ses deux acteurs, Sergio Hernandez en pull V sexy et Paulina Garcia, telle que son héroïne, en veste d’un bordeaux élégant et éclatant. Critique du film ici.

 

Louise Bourgoin et Isabelle Huppert ©Olivia Leboyer

Deuxième film très attendu de la journée: la Religieuse de Guillaume Nicloux (Le poulpe, Une affaire privée). Alors que cette adaptation du roman Denis Diderot sort le 20 mars en France, la projection et la conférence de presse de l’équipe du film à Berlin était un moment important de la campagne médiatique de pré-sortie du film. Avec à ses côtés une Isabelle Huppert toute de noire vêtue et très bavarde, une Louise Bourgoin brillant de mille feux d’or imprimés sur son T-shirt et la ravissante Pauline Étienne, météorite aux cheveux encore courts et aux yeux persants, Guillaume Nicloux a  partagé sa passion pour le texte de  Diderot.

 

Pétillante Pauline Étienne ©Olivia Leboyer

 

 

Mais deux heures plus tôt,  la projection  le Berliner Palast s’est vidé de  dizaines de journalistes ne supportant pas vraiment les longueurs de l’enfermement et du martyre (sur BO de Vivaldi a capella) de la jeune Suzanne. Malgré une actrice principale portant tout le film avec une grâce infinie du haut de ses 22 ans, malgré de beaux costumes, décors et un certain classicisme vraiment classe, cette adaptation de deux heures parvient à rendre le texte de Diderot à la fois terriblement ennuyeux (grave problème de rythme) et en même temps très irritant, notamment par la faute du jeu horripilant d’Isabelle Huppert, systématiquement en sur-jeu et en voix de fausset. Quel dommage quand tous les ingrédients étaient là pour faire un très beau film! Notre critique, ici.

Romane Bohringer et Denis Côté ©Olivia Leboyer

Après une brève pause et le regret de ne pouvoir traverser la ville pour découvrir la série de Jane Campion, “Top of the lake”, avec l’Elizabeth Moss de Mad Men (350 minutes projetées !), nous avons enchaîné avec “Vic + Flo ont vu un ours” du très conceptuel réalisateur canadien, Denis Côté. Nous étions triplement impatientes de découvrir le film, Olivia parce qu’elle avait absolument adoré “Curling”, Yaël, parce qu’elle a pu rencontrer Denis Côté à propos de son dernier film, “Bestiaire”, juste avant de s’envoler vers Berlin et toutes les deux, pour Romane Bohringer qu’on aperçoit plus qu’on ne voit au cinéma (dans Renoir, par exemple) depuis la naissance de ses enfants….

Romane Bohringer ©Olivia Leboyer

 

© Ian Lagarde

Eh bien, nous sommes restées sur notre faim, malgré la beauté des plans bleutés du film. Faim d’émotion d’abord, puisque malgré le jeu génial de Pierrette Robitaille et la fraicheur  conservée de Bohringer, on ne croit pas à leur histoire d’amour. Faim de sens aussi, car même si le brillant Denis Côté et une Romane Bohringer en pull rouge ultra-chic n’ont pas cessé de nous dire que le film et son titre sont une variation visuelle sur “un film de genre” nous avons toujours du mal à percevoir de quel genre ils voulaient parler. Vert, ouvrant sur de magnifiques paysages, et mettant en scène sur tous les tons la thématique de l’enfermement dans le couple, le film appuie sur les signifiés multiples sans donner au spectateur le minimum de narration ou d’émotion vitales pour avoir envie de jouer le jeu de l’interprétation libre. C’est triste, car le point de départ était alléchant : deux anciennes détenues renouant leurs liens amoureux de prison dans une cellule aménagée dans une cabane au canada sous l’œdipienne surveillance d’un policier raffiné (Marc-Antoine Grondin se jouant de l’icône gay). La salle de la conférence de presse était presque vide, mais heureusement vivement animée par quelques journalistes francophones… Petite anecdote people mais qui détendra l’atmosphère de ce live-report : Olivia a vu Shia Laboeuf se glisser à la projection du film de Denis Côté. Encore un point de gagné pour le héros de “Transformers” qui nous a bluffé de courage dans le clipesque et sympathique “Necessary death of Charlie Countryman” également en compétition. Critique du film, ici.

Steve Coogan montant les marches du Friedrichstadt-Palast (c) Olivia Leboyer

Ce soir encore c’était tapis rouge pour nous, au Friedrichstadt-Palast. Mais, honte à nous, entre le changement de tenue et un vrai dîner, notre cœur n’a pas balancé. Au vu de l’élégance très “Derrick” du public venu à l’avant-première des Misérables hier soir, nous nous sommes dits que nos habits de working-girls parisiennes donneraient le change. Et nous attendions beaucoup du film de Michel Winterbottom sur le magnat des shows et de la presse érotiques britanniques, Paul Raymond. D’abord parce que nous avions adoré “The Trip” où Winterbottom donnait un des deux rôles principaux au craquant Steve Coogan, rôle titre du nouvel opus, et ensuite parce qu’un peu de chair appétissante pour finir la journée nous branchait bien…

 

 

Arrivée de l’équipe du film the look of love

Pour la deuxième attente, nous avons été comblées par l’entrée en salle de l’équipe du film, avec ses trois grâces rivalisant d’élégance et de beauté : à côté de Imogen Potts, Anna Friel et surtout Tamsin Egerton, Ann Hattaway et Amanda Seyfried pouvaient se cacher! Mais pour ce qui est du film en lui-même, malgré de belles images, une structure narrative efficace et un Steve Coogan à la hauteur du rôle, il manque une accroche à ce biopic sans épaisseur. On ne parvient pas à s’intéresser à cet homme de spectacle devenu riche en montrant des femmes nues, ni même à sa cocaïnomane de film. Studieux, Winterbottom a certainement oublié de nous livrer une clé psychologique plus ciselée ou tout simplement ce que ce personnage de Hugh Hefner à l’anglaise dit de son époque et de son pays… Malgré tout, “The Look of love” se laisse voir avec un certain plaisir… Critique du film, ici.

Rendez-vous demain en direct de la Berlinale, avec – entres autres – une pause romantique “Before Midnight” du duo Ethan Hawke/ July Delpy et encore du sexe : avec “Interor. Lether Bar.”, le film “expérimental” de James Franco inspiré des scènes coupées film mythique de William Friedlin, “Cruising” de William Friedkin.

Berlinale : La religieuse, l’adaptation du roman de Diderot par Guillaume Nicloux
Douve de Tatiana Julien : la poésie à l’oeuvre
Avatar photo
Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration