[Critique] “Le Paradis”, l’Odyssée d’Alain Cavalier
Après Pater, variation virtuose et ludique sur les jeux de pouvoir, Alain Cavalier revient avec Le Paradis, une très belle confession sur son rapport au temps, aux vivants et à la mort. Emouvant, tendre et drôle, le film nous captive naturellement. Sortie le 8 octobre.
[rating=5]
Habitué aux étranges voyages, Alain Cavalier reprend ici le fil de son journal intime (Irène, en 2009) pour nous parler de la mort qui approche doucement, saison après saison. Le film s’ouvre sur la nature : dans une forêt près de chez lui, en Savoie, Alain Cavalier trouve un petit paon mort. Pour cet oisillon, il faut une sépulture digne. Aidé par un jeune homme, il va ériger un beau petit tombeau, fait de brindilles et de clous fichés dans une racine, autour d’une pierre. Avec l’espoir que le monument miniature résistera au temps et aux intempéries. Ce symbole d’un court passage sur Terre est superbe. Entre évocations naturelles et confidences amicales, Alain Cavalier dresse pour nous un petit théâtre : quelques jouets en plastique, trois bouts de ficelle, suffisent pour figurer une suite d’épisodes bibliques. La genèse, le Livre de Job trouvent ainsi, dans leur plus simple expression, un chemin direct vers notre cœur. Tout comme l’aventure d’Ulysse, petit soldat en plastique rouge, balloté sur les flots, prisonnier volontaire de Circé. Rien de solennel dans ces jeux lumineux. Toujours fraîche et jeune, la voix d’Alain Cavalier, qui presque toujours hors champ, nous livre avec malice quelques confessions, quelques souvenirs : les deux instants de grâce qui l’ont, par hasard, saisi, une fois dans une Eglise, une autre dans un Monoprix. C’est tout naturellement qu’Alain Cavalier mêle les registres, le noble, le prosaïque, le biblique (la belle Nine d’Urso apparaît en récitante), les jeux d’enfant se retrouvent dans une même célébration de la vie, fugace et précieuse.
Le Paradis, d’Alain Cavalier, France, 70 minutes. Sortie le 8 octobre 2014.
visuels: photos et bande annonce officielles du film.