[Critique] A la vie : Julie Depardieu tente de réapprendre le bonheur après le retour des camps
Jean-Jacques Zilbermann réalise un film en hommage à sa mère, en filmant un groupe de trois amies qui se revoient 15 ans après leur retour d’Auschwitz. Une chronique amicale légère où le fantôme des camps est toujours présent. Et qui évoque un thème trop peu abordé au cinéma: comment réapprend-on le bonheur quand on a vécu l’horreur ?
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Synopsis officiel: 1960. Trois femmes, anciennes déportées d’Auschwitz qui ne s’étaient pas revues depuis la guerre, se retrouvent à Berck-Plage. Dans cette parenthèse de quelques jours, tout est une première fois pour Hélène, Rose et Lili : leur premier vrai repas ensemble, leur première glace, leur premier bain de mer… Une semaine de rires, de chansons mais aussi de disputes et d’histoires d’amour et d’amitié…
Connu pour ses chroniques teintées d’époque et de social, Jean-Jacques Zilbermann a notamment réalisé Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes qui comportait déjà une part d’autobiographie. Il s’attaque ici à un sujet difficile qui nécessitait une vraie vision. A la vie n’évoque frontalement Auschwitz qu’en introduction, pendant la longue marche de la mort suivant l’évacuation du camp. Le film débute ensuite en suivant le personnage interprété par Julie Depardieu, revenant à Paris, et cherchant à refaire sa vie, à se réadapter comme elle le peut. 15 ans plus tard, grâce aux petites annonces postées en yiddish dans la communauté juive, elle reprend contact avec une amie de déportation qu’elle n’avait plus jamais revue. A la vie raconte ce petit moment, ces quelques jours au bord de la plage, où trois femmes, soudées par leur histoire commune, se retrouvent pour la première fois.
Les maladresses du film et de sa tonalité sont à l’image du malaise ressenti par les trois personnages. Dont les émotions sont mélangées, complexes, avec des non-dits très forts. Jean-Jacques Zilbermann veut nous proposer une tranche de vie solaire, enjouée, gaie, qui va rapprocher ses protagonistes et leur faire redécouvrir le bonheur. Cette joie forcée, avec des personnages hauts en couleur (Suzanne Clément en tête), parait parfois factice, comme dans un film de vacances initiatique. Mais tout l’intérêt du film vient de son témoignage sur l’après-déportation. La culpabilité enfouie. Les choix conjugaux liés à l’expérience du camp. L’impossibilité mais le désir profond d’en parler, à ceux qui l’ont aussi vécu. Zilbermann tient ce fil entre bonne humeur et profondeur, et conclut par une image hommage à sa mère, dans une vidéo où on découvre le vrai trio d’amies, qui se réunissait tous les ans au bord de la mer. On aurait aimé plus de maîtrise cinématographique mais ce témoignage ne laisse pas indifférent.
A la vie, une comédie dramatique de Jean-Jacques Zilbermann avec Julie Depardieu, Suzanne Clément et Johanna Ter Steege, durée 1H44, sortie le 27/11/2014