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Variété promise avec les quatre nouvelles expositions du Mac Lyon

Variété promise avec les quatre nouvelles expositions du Mac Lyon

22 February 2022 | PAR Aminata Fofana

Le musée d’art contemporain de Lyon accueille quatre nouvelles expositions jusqu’au 10 juillet. Dans le hall, on retrouve Crossover de David Posth-Kohler qui met son travail en parallèle de celui de Bruce Nauman. Au deuxième étage, c’est l’artiste tunisien Thameur Mejri qui prend place avec Jusqu’à ce que s’effondrent mes veines (Etats d’urgence) ainsi que Little Odyssée, une exposition originale du MAC de Lyon s’adressant au jeune public (0-11 ans), co-conçue avec un groupe d’étudiants de L’Université Jean Moulin Lyon 3. Et c’est au dernier étage qu’est présentée La ventriloque rouge, l’œuvre de la sud-africaine Mary Sibande. Ces quatre expositions excellent, chacune dans leurs attraits bien distincts à plonger le visiteur dans un univers profond, accordant une expérience globale pleine de diversité.

Crossover: David Posth-Kohler x Bruce Nauman

Le concept est de faire dialoguer le travail d’un artiste émergent avec les œuvres d’un artiste de la collection du musée. C’est un principe bien connu du MAC de Lyon qui reçoit la 3ème édition du Crossover, cette fois-ci mêlant les projets de David Posth-Kohler à ceux de Bruce Nauman.

David Posth-Kohler a énormément voyagé durant son enfance. C’est un artiste qui insère ces expériences tout au long de ses œuvres sculpturales. Il explore la question du corps, se mettant en scène lui-même dans ses œuvres, ce qui fait écho aux travaux de la figure majeure de l’art contemporain Bruce Nauman, qu’il a choisi lui-même de mettre en valeur dans cette exposition.

L’agencement des œuvres sculpturales, cinématographiques et sonores conduit le visiteur dans la représentation du théâtre social de l’artiste. C’est une sorte de philosophie de ce qui lui semble marginale, sans forcément en dégager un message clair. Des pièces personnelles comme le cahier de note au mur ou le moulage de sa tête en boîte ne sont que l’insertion de l’artiste dans cette société. Il nous informe que c’est pendant le confinement et dans un désir d’autonomie qu’il réalise seul l’épatant moulage de sa tête, qui finit rationnellement mal. Toutefois, cela fait partie intégrante de sa rencontre vers les inconnues, un genre d’inconfort plaisant.  Il nous présente également de nouvelles œuvres pour l’occasion, deux cloches qui émanent un message assez troublant, accompagnant l’énergie des autres installations.

Little Odyssée

C’est dans une dynamique où la ville de Lyon s’est vue attribuer le label «  Lyon ville amie des enfants » par l’UNESCO ainsi que la forte fréquentation du MAC Lyon par des enfants, qu’est né un projet pour favoriser l’expérience de visite des enfants au sein de l’établissement.

En collaboration, un groupe d’élève du master Patrimoine et Musées, parcours Médiations Culturelles et Numériques de l’Université Lyon 3 accompagné d’un comité scientifique en plus du personnel de MAC ont créé une exposition qui grandit avec l’enfant, en choisissant des pièces dans la collection du musée. Tout a été pensé, de la réduction des œuvres à la création d’un espace atelier et repos en milieu de parcours, c’est une expérience enrichissante qui est proposée.

Sculpture sonore, œuvres lumineuses, le petit devient grand et le grand devient petit, chaque œuvre se place comme un cheminement logique qui vient titiller nos 5 sens. Une sorte de retour à notre état initial, où la réflexion est mise sur pause et la contemplation est invitée à prendre toute la place. Dans ce parcours, c’est un environnement confortable qui est recréé, invitant le spectateur à concentrer tout son esprit sur les éléments décalés, sa place dans l’espace et à rentrer totalement dans l’œuvre. Dans un format participatif et innovant, le jeune public a l’occasion de se glisser dans la peau de l’artiste pour une excursion personnalisé. Les étudiants s’expriment en qualifiant cette expérience de profitable, car elle n’est pas conçue comme un parcours d’œuvres pour enfants mais constituée d’œuvres accordées les unes aux autres avec une sensibilité capable de toucher les enfants. 

Thameur Mejri «  Jusqu’à ce que s’effondrent mes veines (Etats d’urgence) »

Le dessinateur, peintre et vidéaste tunisien Thameur Mejri témoigne des enjeux structurels, informels, politiques et sociaux de son pays dans ses créations. L’artiste retranscrit le désarroi de sa génération qu’il interprète comme le fruit d’une gestion chaotique du collectif. Considérant également que son pays ne voit dans l’art qu’un accessoire politique, son travail apparaît comme un projet d’émancipation et de libération.

Pour sa première fois en France, l’artiste propose une série de peintures et dessins reprenant analogiquement les mêmes éléments et symboles du quotidien mêlées à un mix de fantaisie et de chaos. C’est vif et plein de couleurs, mais c’est aussi inquiétant et critique, comme une sorte de zone de plaisir interdit. S’inspirant également de la culture populaire mondialisée, on retrouve plusieurs objets détournés, créant une plus grande confusion dans l’esthétique de désordre proposée.

C’est un art représentatif qui semble rigoureusement masculin. Ballon de foot, paire de basket, anatomie et mains masculines, qu’elle en est la véritable intention ? Les choix de l’artiste laissent le mystère planer au milieu des pigments et des figures géométriques.

Et presque comme un élément central dans son travail, nous avons interrogé l’artiste sur ce que représente pour lui ses têtes de morts et il nous dit : ” la tête de mort, c’est une façon de représenter personne et tout le monde en même temps. Cela évite d’autres troubles de compréhension comme savoir qui est la personne qui figure sur l’œuvre. C’est aussi un de mes choix personnels, c’est un symbole qui fait écho à mon enfance où j’admirais énormément le véritable crâne déposé dans l’atelier de mon grand-père. En grandissant autour de lui, ça en ai devenu un objet de fantasme.” 

Mary Sibande « La Ventriloque rouge »

L’artiste sud-africaine Marie Sibande présente un format inédit de son travail. Développant depuis plusieurs années un récit intersectionnel sur les questions de race, de classe et de genre, elle projette son expérience de femme noire dans son avatar nommée « Sophie », nom assez commun qui était donnée aux domestiques noires.

Sophie soulève des problématiques différentes selon la couleur qui lui est associée, et pour cette édition à grande échelle, Marie Sibande présente « La Ventriloque rouge ». Dans un contexte de mouvement social et de violence, les populations précaires ont commis de nombreux vols l’été dernier. C’est dans une allégorie qu’elle inscrit sa réflexion sur la colère des sud-africains noirs, maintenue en position d’infériorité sociale malgré la fin de l’apartheid.

L’œuvre est en elle-même impressionnante. Un amphithéâtre grandeur nature abrite des chiens mutants et enragés, créant une atmosphère lourde et angoissante. La projection biographique de l’artiste, Sophie, qui porte son visage et ses mensurations s’impose dans ce cirque obscène. Le spectateur est immergé dans la tension de ces événements, bercé par la voix de l’artiste qui s’exprime sur une bande son. Rouge, colère, sang, et frustration, ces chiens enragés semblent plus pitoyables que menaçants. Mené de la main par la sculpture féminine d’1m80, ils sont invités à maîtriser et transformer ces sentiments. De cette même main, l’ombre chinoise créée forme le chien qu’ils semblent aspirer à être. Politique ou poétique, cette ventriloque triomphe dans sa mission d’offrir une voix à ceux qui n’en ont pas.

 

Le musée d’art contemporain de Lyon propose quatre espaces rythmés par une histoire et des émotions différentes.                    

Le Crossover de David Posth-Kohler x Bruce Nauman, explore la question du corps dans l’espace tandis que Little Odyssée est une exposition douillette et abordable adressée au jeune public. La Ventriloque rouge et Jusqu’à ce que s’effondrent mes veines (Etats d’urgence)  ancrent un sentiment de détresse et de perturbation dans des oeuvres particulièrement parlantes sur leur contexte social. C’est de la variété, autant dans les formes d’art que dans les significations que le musée présente donc pour faire court : faire les quatre expositions à la suite, c’est faire les montagnes russes.

Les quatre expositions se tiennent jusqu’au 10 juillet 2022 au Musée d’art contemporain de Lyon.

Visuels : © Blaise Adilon 

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Aminata Fofana

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