Arts

L’exilé Kandinsky et ses mondes, au Centre Pompidou

11 April 2009 | PAR marie

Considéré pour beaucoup comme le père de l’art abstrait, Vassily Kandinsky (1866-1944) est l’inventeur de multiples mondes quand lui-même ne pouvait en habiter aucun. La rétrospective qui lui est consacrée dès mercredi au Centre Pompidou (jusqu’au 10 août 2009) sera elle aussi voyageuse, mais pour des raisons plus joyeuses. Une exposition aussi riche de couleurs qu’avare d’explication.

Organisée de manière chronologique, l’exposition tranche la biographie l’artiste en séquences géographiques : Paris, Munich, Moscou, Stockholm, Berlin, Paris et puis Neuilly. Kandinsky ne devint peintre que tardivement, après avoir été juriste et ethnologue.

En 1906, le vieil étudiant se rend à Paris pour découvrir « l’avant-garde ». En legs de ce premier séjour français, il laisse des toiles encore très russes, parmi lesquelles La Vie mélangée (1907) :

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La vie mélangée, 1907, crédit photo : Adagp, Paris, 2009

En Allemagne, où il s’installe ensuite, sa peinture se déleste rapidement de ses éléments figuratifs. Devenue abstraite, elle emprunte à la musique ses catégories : les œuvres les plus spontanées sont des Improvisations, les plus travaillées des Compositions.

De 1914 à 1919, le sujet du tsar rentré en Russie doit à plusieurs reprises troquer ses huiles contre de l’aquarelle. De cette pénurie surgissent des utopies, autant de petits mondes imaginaires qui semblent être des illustrations des idées révolutionnaires. Sortie du papier, la Révolution (russe) chasse l’artiste de sa terre natale en lui spoliant ses biens. Un an après ce départ, la toute nouvelle URSS interdit un art abstrait qu’elle juge « dégénéré ». Le précurseur Kandinsky avait, malgré lui, devancé le régime.

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Moskau I, 1916, crédit photo : Adagp, Paris, 2009

Loin du désordre russe, installé dans une Allemagne plus propice sur les plans politiques et artistiques, Kandinsky découvre les joies de la géométrie. Ses toiles perdent de leurs rondeurs tandis que lui, inspiré par les formes, élabore sa théorie des couleurs. Les toiles du Professeur explorent l’univers en tous sens : de l’infiniment grand (les planètes, les galaxies) à l’infiniment petit (animaux marins microscopiques et éléments anatomiques [Capricieuses formes]) ; modernes, elles font prévaloir les réseaux aux êtres, les liants aux éléments liées, le « co-» à l’entité.

Fulgurant sans être futuriste, leur auteur semble vouloir englober la totalité du réel. Dans sa course de vitesse, il est une fois de plus rattrapé par la politique, incarnée, dans l’Allemagne de 1933, par le nazisme. Mais sur la toile comme dans la vie, l’exilé a son réseau, il s’installe à Neuilly. Peu avant sa mort, il troquera sa deuxième nationalité, l’allemande, contre une troisième, française.

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Mouvement I, 1935, crédit photo : Adagp, Paris, 2009

L’exposition, en nous livrant quelques détails croustillants du Kandinsky théoricien (quand et où ont été retrouvées les différentes archives, comment se traduisent les titres de ses ouvrages en 4 langues, etc), prend bien soin de ne pas s’engager sur le terrain des idées. Trop bête ou trop savant, le visiteur n’a droit qu’à l’expérience sensible provoquée par des toiles chatoyantes et bien mises en valeur. Il se plaira alors à détailler et à interpréter  les mondes fourmillants du créateur…

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Accord réciproque, 1942, crédit photo : Adagp, Paris, 2009

Kandinsky, au Centre Pompidou, du 8 avril – 10 août 2009, de 11h00 – 21h00 jusqu’à 23 h le jeudi, fermé le mardi, et le 1er mai, Tarif plein 12€ ou 10€ selon période / tarif réduit 9€ ou 8 € selon période
Valable le jour même pour une entrée dans tous les espaces d’exposition

Marie Barral

Le Jardin dévasté, de Jorge Volpi
Moby en concert, vente le 12 mai
marie

3 thoughts on “L’exilé Kandinsky et ses mondes, au Centre Pompidou”

Commentaire(s)

  • ROLEA

    Vous aimez l’art abstrait ? Jusqu’au 10 août 2009, le Centre Pompidou accueille une rétrospective d’œuvres de Kandinsky d’une rare envergure : 93 toiles fondamentales, ainsi que des documents inédits, aquarelles, gouaches, dessins, manuscrits de la période dite « russe », notamment les poèmes en prose écrits entre 1908 et 1912 et des xylographies en couleur, issues de bois originaux. Une rétrospective unique, la première en France depuis 25 ans.

    Une explosion de formes et de couleurs

    D’origine russe, naturalisé français en 1939, Vassily Kandinsky (1866-1944) est célèbre pour son rôle de pionnier de l’art abstrait. Dès ses premières années en peinture, Kandinsky s’affirme dans un style puissant bien que l’on ressente encore l’influence de la tradition russe, où popes et paysans se croisent au fil des toiles. Dans cette période, ses huiles colorées aux formes suggérées, s’apparentent à Chagall. Ses jaunes flamboyants sont une révélation. C’est l’époque de la “Montagne bleue”, du “Cavalier Bleu”, de “l’Improvisation III”.

    Les évènements qui bouleversent la Russie (la première guerre mondiale et la révolution bolchevique), amènent privation et restrictions. Dans ces années d’incertitude, sans atelier ni matériel, Kandinsky aborde des formats plus petits : dessins et aquarelles néo-impressionnistes. On y découvre aussi la force d’un homme cultivé et attaché au passé russe (notamment ce superbe tableau intitulé “Moscou”, prêté par la Galerie nationale Trétiakov).

    La géométrisation de la peinture

    Invité en 1922 à enseigner en Allemagne, il écrit des ouvrages théoriques sur la peinture et sur l’interdépendance entre couleurs et formes primaires. Connu pour son grand ouvrage « Du Spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier », publié en 1910, Kandinsky commence une intense période d’activité didactique. Après 1922, ses tableaux sont plus épurés et la tendance « à la géométrisation de la peinture » est plus prononcée. Les motifs géométriques, les traits si précis, si maîtrisés, laissent penser à un langage secret et mystérieux (les tableaux “Composition VIII” et “Jaune-rouge-bleu”).

    Dès 1933, après la montée du fascisme en Allemagne, Kandinsky choisit de s’installer en France, à Neuilly-sur-Seine, où il résidera jusqu’à sa mort en 1944. Les tableaux de cette période explorent une gamme chromatique plus tendre, avec des formes géométriques souples. Parfois, des figures “biomorphiques” flottent sur un fond bleu (“Bleu de ciel” – 1940).

    Une exposition à voir (ou à revoir) absolument !

    Mihail ROLEA

    July 26, 2009 at 17 h 47 min

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