
Lewis Hine : Il faut de la lumière, de la lumière à flots
Dans une rétrospective sur l’ensemble de la carrière de Lewis Hine, la Fondation HCB nous invite à découvrir cent cinquante tirages originaux prêtés par la George Eastman House, International Museum of Photography and Film de Rochester.
Né dans le Wisconsin en 1874, Lewis Wickes Hine perd son père en 1892. Pour aider sa mère, il travaille alors tour à tour comme portier, commis, vendeur au porte-à-porte et employé de grand magasin. Il prend aussi des cours du soir de sténographie, de comptabilité et d’histoire de l’art.
Ces expériences fondatrices ont sans doute contribué à forger son inébranlable foi dans le dépassement de soi par le travail et l’éducation, qu’il conservera jusqu’au bout, y compris lorsque les commandes se feront rares et qu’il connaîtra des difficultés pécuniaires.
Pionnier – même si tardivement reconnu – du photoreportage, Lewis Hine étudie ses sujets avant de partir en mission. Il n’hésite pas à recourir à la mise en scène pour convaincre son audience, afin de renforcer la vocation pédagogique de ses clichés.
Tout au long de sa vie, Hine n’aura de cesse de plaider pour la justice sociale. Dès 1907, il devient ainsi le photographe attitré du National Child Labor Committee en 1907 pour mieux se rapprocher de ses sujets. Ils seront nombreux, en effet, les enfants des rues qui accepteront de poser de longues minutes devant l’appareil désuet et encombrant que cet homme fluet porte à bout de bras. Travaillant encore avec des plaques très peu sensibles, Hine doit employer mille et un stratagèmes pour retenir leur attention durant le long temps de pose. C’est ainsi que beaucoup de ces clichés laissent percevoir une lueur amusée dans l’œil de ces gamins, qui vivent dans des conditions de vie déplorables, des tenements newyorkais aux régions rurales du Midwest.
Après la crise de 1929, quand résonne enfin l’espoir du New Deal, Lewis Hine poursuit son projet en photographiant la classe active américaine au travail. Véritable catalogue des métiers dans les années 1930, l’unique ouvrage paru de son vivant, Men At Work, se livre à une véritable réhabilitation de l’Homme face à la machine.
De l’opératrice de télégraphe au fabricant de chapeau de feutre, en passant par l’ouvrier de l’Empire State Building, tous ces travailleurs se laissent photographier par Hine avec une confiance palpable dans le regard, dans un corps à corps avec des machines qu’ils semblent fiers de maîtriser.
Les légendes sont également signées de la main de Hine. Si elles ajoutent parfois une note légère à ses clichés, elles résument des situations souvent terribles de quelques mots lapidaires : Mendiant aveugle et enfants pauvres, 1911.
Un temps démodé, écarté par la FSA pour participer au grand reportage sur la vie rurale dans lequel s’illustreront Walker Evans et Dorothea Lange, Hine devra sa réhabilitation à la fidélité d’un de ses anciens élèves, le photographe Paul Strand, fondateur avec Bérénice Abbott de la Photo League à New York. L’association accepte le dépôt de ses archives précédemment refusé par le MoMA.
« Photographier, c’est mettre sur la même ligne de mire la tête, l’œil et le cœur », a pu dire Cartier-Bresson. On quitte la Fondation convaincus de la pertinence de ce rapprochement entre ces deux grands noms de la photographie.
Visuel : L’heure du déjeuner, New York, vers 1910 © Lewis Hine / collections George Eastman House, Rochester.
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