Expos

Un bicentenaire foisonnant pour célébrer Flaubert en Seine-Maritime

10 May 2021 | PAR Laetitia Larralde

En 2021, la Seine-Maritime célèbre le bicentenaire de la naissance de Gustave Flaubert, l’écrivain normand à la renommée internationale. Avec une programmation riche et créative, redécouvrez Flaubert, son œuvre et son territoire.

Né le 12 décembre 1821 à Rouen, Gustave Flaubert est une figure incontournable de la littérature française. Profondément attaché à sa région qu’il a mise en scène dans ses romans, c’est aujourd’hui la Seine-Maritime qui lui rend hommage par environ 170 évènements jusqu’à la fin de l’année 2021. Dans les musées, jardins, restaurants ou librairies, cette année l’offre culturelle sera entièrement tournée vers le grand auteur normand.

Madame Bovary, l’héroïne

Si vous ne deviez visiter qu’une seule exposition, choisissez Emma rêve en Bovary. Internationalement acclamé, adapté au cinéma et en bande dessinée, inspiration de nombreux artistes, Madame Bovary peut également être un souvenir douloureux pour ses jeunes lecteurs. C’est justement là l’occasion de vous réconcilier avec l’œuvre, grâce à une exposition qui nous immerge entièrement dans l’univers du livre.

Installée dans l’incroyable Maison Marrou, maison bourgeoise construite en 1890 par le maître ferronnier Ferdinand Marrou, on est happés par le roman dès l’entrée. Emma vient de mourir, sa vie et ses biens seront bientôt dispersés, et ses souvenirs marquants prennent possession des lieux. Par une scénographie immersive qui mobilise tous nos sens, nous déambulons du banquet de mariage à la liquidation des biens en passant par la chambre partagée avec son amant Léon, la salle du bal, sa bibliothèque ou encore la chambre de sa fille.

A partir de pièces issues des collections du musée des Traditions et Arts Normands de Martainville, la scénographie de Jean Oddes associe des projections de films et de photos, des sons d’ambiance et des odeurs créées sur mesure par la Maison de parfum Berry. On peut également accompagner sa plongée dans le roman par l’écoute des textes de l’application dédiée créée par Musair qui suit le parcours de l’exposition en donnant une tournure résolument contemporaine à son héroïne. Au terme de la visite, nos sens tourbillonnent dans le drame romanesque, nos émotions s’emballent et l’envie de replonger dans le roman nous agrippe.

L’exposition se prolonge à l’Opéra de Rouen où l’on explore le rapport à la musique de Madame Bovary. Entre ses leçons de pianos, le bal à la Vaubyessard, la soirée à l’opéra ou le chant final du mendiant, la musique se mêle intimement à l’histoire d’Emma Bovary. Dans de grandes malles de voyage aux couleurs des loges d’opéra, on aborde plusieurs thématiques autour de la musique comme l’étude de la voix, les grands chanteurs du XIXème siècle, les décors d’opéra ou encore la musique populaire.

Pour ceux qui souhaitent se replonger dans le roman, les éditions Gallimard et la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent rééditent Madame Bovary en grand format, illustré de quatorze dessins de jeunesse d’Yves Saint Laurent à l’encre noire relevée de touches de gouache. Publiées pour la première fois dans leur intégralité, ces illustrations montrent l’importance que la littérature et l’œuvre de Flaubert ont eue dans l’œuvre d’Yves Saint Laurent.

Accent sur la photographie

Trois expositions de photographie autour de Flaubert sont programmées cette saison. Au Château de Martainville, Eric Bénard retrace les pas d’Emma Bovary dans la région et cartographie les lieux d’inspiration de l’auteur, reliant l’œuvre et le territoire. A l’Abbaye de Jumièges, le Logis Abbatial accueillera deux photographes : tout d’abord Claudio Sabatino avec Visiter Pompéi, puis Juliette Agnel début septembre. Tous les deux photographient des ruines en Italie, Egypte ou Soudan, que Flaubert a visitées lors de son voyage en Orient entre 1849 et 1851 avec son ami Maxime Du Camp.

Les photographies de Claudio Sabatino se concentrent sur Pompéi et quelques sites archéologiques autour de Naples comme Herculanum. Flaubert a séjourné un mois dans la région, un siècle après la découverte du site. Quelques photographies de Giorgio Sommer, prises en 1860, rendent compte des fouilles du temps de l’écrivain, et l’on reconnait les bâtiments, quelques cent cinquante ans plus tard, chez Claudio Sabatino. Les notes de voyage de Flaubert le montrent tel un promeneur curieux cherchant à reconstituer les architectures, notant pour mémoire l’objet de ses visites, sans romancer.

Dans une démarche similaire, Claudio Sabatino, originaire du sud de l’Italie près de Pompéi, architecte de formation, cherche depuis 2001 à retranscrire une ambiance plutôt que de cataloguer des fouilles archéologiques. Ses photos, aux lumières et tonalités harmonisées entre elles, donnent l’impression de se promener un matin d’été entre les pierres crème ou ocre et le vert des oliviers et des pins parasols, juste avant que le soleil ne vienne tout écraser. Les ruines de Pompéi dialoguent avec celles de l’Abbaye de Jumièges et les murs bruts du Logis Abbatial dans une belle mise en valeur mutuelle.

L’Orient rêvé

Avant l’Italie, Flaubert a donc séjourné et voyagé dans cet Orient dont il rêvait. Au XIXème siècle, l’orientalisme est à la mode après les campagnes d’Egypte de Napoléon, et les jeunes gens en ayant les moyens partent dans l’espoir d’un voyage initiatique. L’exposition Voyage(s) en Orient au musée Victor Hugo de Villequier propose donc de suivre ces voyageurs au long cours tels que Flaubert et Maxime Du Camp, Camille Saint-Saëns, ou encore Auguste Vacquerie et Victor Hugo et leurs voyages imaginaires.

C’est donc dans cette ancienne maison de villégiature de la famille Vacquerie, armateurs du Havre, belle-famille de Léopoldine, la fille de Victor Hugo, que l’Orient du XIXème siècle s’installe, face à la Seine. L’exposition aborde les thèmes comme romantisme et orientalisme, le voyage artistique en Orient ainsi que les voyages scientifiques. Au travers de photographies, de peintures, de lettres, de journaux et d’objets antiques, on découvre l’Orient par les yeux de ces hommes passionnés aux approches variées.

Une programmation large

En plus des expositions, tout un parcours autour des jardins a été pensé. Les jardins des sites et musées du département tels que ceux de l’Abbaye Saint-Georges de Boscherville, du château de Martainville ou du Parc de Clères proposent une approche botanique des œuvres de Flaubert. La flore de Normandie, d’Italie ou d’Orient que l’écrivain a vue et décrite dans ses écrits prend racine dans les jardins de Seine-Maritime et donnent l’occasion de revenir sur leurs utilisations culinaires, médicales ou ornementales d’hier et d’aujourd’hui.

Qui dit jardin et culture potagère, dit repas bucolique entre amis, cher à Flaubert. Outre la programmation associée aux jardins eux-mêmes, les restaurateurs normands sont invités à participer à l’évènement A table avec Flaubert. Les restaurateurs créeront un plat inspiré de la vie ou de l’œuvre de Flaubert qui sera intégré à leur menu, et chaque client ayant commandé un de ces plats recevra une entrée gratuite pour l’un des sites ou musées participant à l’évènement.

Et bien évidemment, célébrer Flaubert sans parler de livres n’aurait pas de sens. Outre plusieurs publications dédiées, le festival littéraire Terres de paroles aura pour thématique cet automne « Osez Flaubert ! ». Et cet été, les plages de Seine-Maritime accueilleront des cabanes de plage transformées en bibliothèques où chacun pourra emprunter un livre dans une sélection rendant hommage à Flaubert.

Avec une programmation très riche, variée et ouverte sur différents types de publics, gageons que cette célébration du bicentenaire de la naissance de Gustave Flaubert saura faire revivre un écrivain toujours aussi moderne.

 

Bicentenaire de la naissance de Gustave Flaubert en Seine-Maritime en 2021
Madame rêve en Bovary
Jusqu’au 14 novembre 2021
Maison Marrou – Rouen
Voyage(s) en Orient
1er volet jusqu’au 14 juillet, 2ème volet du 1er août au 31 octobre 2021
Musée Victor Hugo – Villequier
Visiter Pompéi – Claudio Sabatino sur les pas de Gustave Flaubert
Jusqu’au 1er août 2021
Abbaye de Jumièges – Jumièges

Visuels : 1- Affiche / 2- Détail, Madame Bovary, Gustave Flaubert, Edition Quantin, 12 illustrations par Albert Fourié, 1885, Collection Bibliothèque patrimoniale Villon, Rouen, Nm-2652 © C. Lancien / 3- scénographie de la Maison Marrou, entrée, la mort d’Emma © Jean Oddes 2020 / 4- Yves Saint Laurent (1936 – 2008) – Dessin d’après le roman Madame Bovary de Gustave Flaubert, page de garde du recueil, 1951. © Musée Yves Saint Laurent Paris / 5- Claudio Sabatino, Pompéi, rotonde, sur le Forum Triangulaire, 2001 – Tirage jet d’encres pigmentaires – Collection de l’artiste © Claudio Sabatino / 6- Claudio Sabatino, Pompéi, l’Amphithéâtre, 2016 – Tirage jet d’encres pigmentaires -Collection de l’artiste © Claudio Sabatino / 7- Du Camp, « Grand temple d’Isis, galerie orientale réunissant les premiers pylônes aux seconds ». Collection ARDI, Caen, inv. DUC 219 © collection ARDI, Caen / 8- De Morgan, Carnet de voyage de la mission scientifique au Caucase rédigé du 18 septembre 1889 au 31 décembre 1889. Carnet n°10, page 64 Bayeux, musée d’art et d’histoire Baron-Gérard (MAHBG) © Ville de Bayeux – MAHBG

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Laetitia Larralde
Architecte d'intérieur de formation, auteure de bande dessinée (Tambour battant, le Cri du Magouillat...)et fan absolue du Japon. Certains disent qu'un jour, je resterai là-bas... J'écris sur la bande dessinée, les expositions, et tout ce qui a trait au Japon. www.instagram.com/laetitiaillustration/

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