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Sur les pas de  Vermeer  à Delft, sa ville natale

Sur les pas de Vermeer à Delft, sa ville natale

10 April 2023 | PAR Sabina Rotbart

Vermeer déplace les foules à Amsterdam avec une exposition blockbuster. Des billets impossibles  à trouver  dorénavant (400000 vendus les deux premiers jours!) sauf auprès des hôtels prévoyants et des voyagistes culturels comme Clio et Intermèdes. Rejoindre Delft la ville natale de l’artiste, une cité pleine de charme et de douceur est une excellente alternative. Virée donc sur les traces de ce Maître en discrétion.  

 

Vermeer n’était pas bavard mais sa peinture parle pour lui. La jeune fille à la perle, La laitière tout le monde connait et surtout la célèbre « Vue de Delft » immortalisée par Proust. Se promener dans la ville natale de l’artiste procure rapidement l’impression de douceur que diffusent ses toiles. Située à côté de Rotterdam cette petite cité vivante qui abrite une importante université a vu sa population quintupler depuis le XVIIème siècle mais elle reste intime et le visiteur y goute un temps en suspens.  

 

Découvrir l’époque de Vermeer au Prinsenhof

Pour comprendre Vermeer et Delft, il faut courir au ravissant Musée du Prinsenhof installé dans un ancien couvent et découvrir l’exposition actuelle Le Delft de Vermeer jusqu’au 4 juin (prinsenhof-delft.nl) . Un lieu que Guillaume d’Orange à l’origine de la dynastie régnante a investi autrefois (d’où son nom qui signifie cour princière). L’endroit est ravissant avec ses salles voutées, ses vitraux, ses tomettes patinées… d’autant que Bramer un familier de Vermeer a décoré les plafonds d’angelots mutins. Bref vous êtes de plein pied avec le XVIIème siècle hollandais moment où Delft est un véritable creuset intellectuel, artistique et commercial. S’y croisent savants (le microscope sera mis au point ici), habiles tisserands qui créent drap et damas, faïenciers, imprimeurs d’art, souffleurs de verre et vitraillistes. Mais aussi brasseurs en nombre conséquents puisque la ville compte alors mille cinq cent estaminets. 

 

Le père de notre artiste cumule les métiers comme on le faisait à cette époque. Il est tisserand puis à la fois aubergiste et marchand d’art (exposés dans une auberge les tableaux trouvent plus facilement preneurs). Vermeer prend un moment sa suite mais commence parallèlement très tôt à peindre. Curieusement on ne sait absolument rien de sa formation dont aucune trace ne subsiste. Il côtoie Jan Steen autre génie contemporain désargenté qui s’empresse lui aussi d’ouvrir une taverne pour subvenir à ses besoins. Steen qui peint un tableau passionnant montré en ce moment au Prinsenhof où le maire de Delft et sa fille prennent la pose en pleine rue négligeant un mendiant qui quémande en vain, résumé frappant de la société urbaine d’alors dans toute sa cruauté.

Le maire de Delft et sa fille, 1655

 Jan Steen

Un Vermeer chez le boulanger !

De Vermeer il ne reste aucun écrit ni aucun détail sur sa vie sauf ceux strictement formels de l’état-civil. Mais dans l’exposition du Prinsenhof, vous verrez l’émouvant acte de mariage signé de sa main. Son mariage est un tournant car il se convertit pour épouser une catholique et vient alors habiter tout près du couvent des Jésuites qui l’ont vraisemblablement influencé par leur intérêt pour la science laquelle permet selon eux de mieux apprécier la création, l’œuvre de Dieu.  D’où un usage probable de la Camera obscura dans nombre de ses œuvres. On découvre dans le parcours de visite le registre de la corporation des artistes cette fameuse Guilde de Saint Luc qu’il intègre à 21 ans et où il va côtoyer et apprécier Fabritius l’auteur du célèbre Chardonneret. Un artiste qui va d’ailleurs disparaitre prématurément dans l’explosion de la poudrerie qui en 1654 détruit une grande partie de la ville. Rapidement célèbre et apprécié Johannes ne peint guère plus de trois tableaux chaque année. Il conseille à un diplomate français venu admirer ses œuvres d’aller chez le boulanger du coin qui en possède dans sa boutique ! Les collectionneurs de passage ne manquent cependant pas de remarquer son sens inouï de la perspective. Il faut aller visiter l’église neuve (Niewe kerk) dont la majorité des peintres de l’époque peinent à rendre le dallage à carreaux noir et blanc. Un exercice de style dont Vermeer se sort haut la main lui qui maitrise pleinement l’art du point de fuite et qui sait donner une illusion de profondeur en installant au premier plan un personnage ou un objet.

 

L’exposition du Prinsenhof intéresse vraiment car elle réunit des œuvres que Vermeer admirait au quotidien. Notamment la très guillerette « Entremetteuse » de Barburen une toile que possédait sa belle-mère, une veuve aisée et pieuse mais qui ne rechignait pas à exposer chez elle des œuvres osées si la peinture était de qualité. Le musée donne également à voir des objets décoratifs typiques de l’époque comme ces mappemondes contemporaines des conquêtes de la Compagnie hollandaise des Indes occidentales, de sublimes faïences en bleu de Delft. Mais aussi des tapisseries ornés d’un semis de fleurs polychrome qui couvrent alors tables et sièges…sans oublier ces miroirs en trompe-l’œil qui ricanent quand on s’approche d’eux moquant notre narcissisme éhonté…

L’entremetteuse de Dirk van Baburen, 1622

Museum of Fine arts Boston

Une vie toute entière autour de la place du marché

L’essentiel de la vie de l’artiste s’est déroulé autour de la place du marché (qui se tient toujours le jeudi, le lieu où acheter fromage, poisson fumé, bulbes de fleurs). C’est une place monumentale où trône l’hôtel de ville où Vermeer s’est marié.  Notre homme a vécu dans cet espace cerné par deux canaux (Delft signifie canal) traversant simplement la place pour épouser sa femme. Mais visiblement l’art lui suffisait comme exutoire. Sa vie sera très courte puisqu’il meurt ruiné à quarante-deux ans après avoir réalisé quarante-cinq tableaux en vingt ans. Ruiné alors qu’il est presque immédiatement célèbre ? La guerre déclarée en 1672 par l’Angleterre et la France met un terme à sa carrière en appauvrissant ses commanditaires. Criblé de dettes (il a 11 enfants vivants à sa mort, quatre ont déjà disparu), il court à Amsterdam emprunter de l’argent mais meurt aussitôt après. Sa veuve donnera (encore !) deux tableaux au boulanger pour payer la lourde ardoise qui s’accumule depuis trois ans.

 

Voir la faïence authentique

Avant de quitter le Prinsenhof, il faut monter dans les étages admirer celui consacré à la faïence évidemment somptueuse.  D’ailleurs la faïence bleue typique vous la voyez à Delft partout, sur d’amusants candélabres revisités, sur des bancs qui rappellent un peu les œuvres de Gaudi … On n’échappe pas aux souvenirs de Delft made in China sauf au Royal Delft Museum seul atelier historique toujours en activité (www.museum.Royadelft.com). Accessible en 15 minutes à pied, c’est une manufacture créée en 1653. La matière blanche poreuse est peinte à main levée avec cette couleur noire qui ne deviendra lapis-lazuli qu’à la cuisson(museum.royaldelft.com)

 

Autre lieu intéressant, le Vermeer centrum Delft (vermeerdelft.fr) où voir en reproduction à l’identique la totalité des œuvres du maître. Dans une très belle maison qui abritait autrefois la fameuse Guilde de Saint Luc. Vous serez prêt ensuite à apprécier l’exposition du Rijksmuseum en visite virtuelle (rijksmuseum.nl), en cherchant des hôtels prévoyants ou en passant par un voyagiste spécialisé comme Clio ou Intermèdes.

 

Mais il ne faut pas quitter Delft sans déguster les bières savoureuses d’une authentique brasserie (bierfabriek.com/Delft) et sans tester un de ses excellentes tables. Kruydt par exemple pour des poissons et des plats néerlandais revisités (kruydt.nl) ou Van der Dussen pour une cuisine plus traditionnelle (restaurantvanderdussen.nl). On aime loger dans l’ancien arsenal juste restauré dans un style contemporain luxueux mais chaleureux (hotelarsenaal.nl).

Y aller : en Thalys par Rotterdam en 2h30 puis 10 minutes en train régional

Pour en savoir plus : Delft.com et holland.com

 

 

Vermeer Delft centrum
© Michael Kooren

Photo d’ouverture : Prinsenhof et Oude Kerk©Michael Kooren

 

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Sabina Rotbart
journaliste en tourisme culturel, gastronomie et oenotourisme. [email protected]

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