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Michel Journiac : « une viande consciente socialisée » au Transpalette

Michel Journiac : « une viande consciente socialisée » au Transpalette

02 May 2017 | PAR Camille Bardin

Véritable laboratoire pluridisciplinaire, le Centre d’art Transpalette de Bourges — inauguré en 1984 par un concert des Béruriers noirs — présente jusqu’au 27 mai 2017, “Rituel de transmutation” & Contaminations au présent,  une exposition retrospective de l’artiste, encore trop peu connu, Michel Journiac.

A peine arrivé dans la cour du Centre d’art Transpalette que déjà Michel Journiac prend toute sa place. Les affiches de son référendum du 23 avril 1970 sont placardées aux murs à la manière des programmes des candidats à l’élection présidentielle. Les plus avertis saisiront la référence au scrutin organisé par l’artiste dans les années 1970 à la galerie Templon où les visiteurs étaient invités à voter « Oui Journiac » ou au contraire, « Non Journiac ». Pour les moins connaisseurs, l’exposition que présente Vincent Labaum, artiste et ami de Michel Journiac ainsi que Damien Sausset, directeur artistique du centre vous révèle avec justesse l’Oeuvre de l’artiste fondateur de l’art corporel en France.

Michel Journiac : « une viande consciente socialisée »

Si Michel Journiac se destinait à devenir prêtre et pour cela a fait le séminaire, c’est finalement son corps qui est devenu la chapelle de toutes ses réflexions. Il suffit de pénétrer dans la première salle de l’exposition pour en saisir l’essentiel. Celle-ci regroupe — et ce pour la première fois — les 12 Rituels de Transmutation (1993). Une oeuvre presque symbolique de la fascination de l’artiste pour le sang mais surtout de son engagement face au scandale du sang contaminé dans les années 1990. Car si dès 1969, Michel Journiac place le liquide écarlate au cœur de son travail c’est avec une performance qui fait davantage écho à son passé ecclésiastique qu’à l’homosexualité de ses amis. Messe pour un corps (1969 et 1975) dont on découvre des archives un peu plus loin dans l’exposition mettait véritablement le corps de l’artiste à contribution. Après avoir ponctué plusieurs centilitres de plasma, Michel Journiac confectionnait avec des boudins, avant de les proposer sous forme d’hosties aux visiteurs de la galerie. C’est donc seulement dans les années 1990, avec l’arrivée du sida que Michel Journiac utilise le sang comme matière picturale. En 1993, il en imbibe des billets de banque avant de les distribuer devant le Centre Pompidou. Avec ces deux performances, La banque du corps et Monnaie du sang, le corps devient alors définitivement le moyen après avoir été le sujet.

« Face à toutes les impositions du dehors qui tentent de conditionner et de réduire d’individu, seul celui parvenu à la conscience du fait corporel premier et fondamental peut faire dérailler les formes manifestes de la représentation. »
Vincent Limbaum, co-commissaire de l’exposition.

Dynamiter les codes imposés par la société. Là était sans doute l’objectif ultime de Michel Journiac. Le corps, loin d’être absolu puisque soumis au carcan du vêtement, a donc nécessairement dû être dénudé, puis travesti. Dés 1972, Michel Journiac désinscrit son corps de la seconde peau qu’est devenu le vêtement et encre son travail dans une démarche sociologique. Avec Hommage à Freud (1973) puis L’inceste (1975), l’artiste ravit l’identité de ses parents en empruntant leurs vêtements. En inversant son identité, Michel Journiac dément la bipolarité du monde pour le complexifier. Ainsi son corps et ses propres questionnements identitaires deviennent des armes sociologiques, des instruments critiques.

Visuels : Camille Bardin

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