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Chasse-Spleen expose  François Morellet, un rigoureux rigolard

Chasse-Spleen expose François Morellet, un rigoureux rigolard

31 July 2022 | PAR Sabina Rotbart

Jusqu’au 30 septembre le Centre d’art du Château Chasse-spleen à Moulis dans le Médoc propose une vision intimiste de François Morellet (1926-2016), ce pionnier de l’abstraction géométrique et de l’art cinétique. Un artiste jamais austère, plein d’humour et de vitalité.

Redécouvrir Morellet (1926-2016), cet artiste autodidacte précurseur de l’art minimal dans le cadre délicat d’une ravissante chartreuse XVIIIème, c’est la proposition revigorante soutenue cet été par le Centre d’art du Château Chasse-spleen en Gironde. Les œuvres réunies par le curateur Didier Arnaudet avec l’aide d’Estate Morellet et de la Galerie Kamel Mennour Paris offrent une vision pertinente et joyeuse du parcours d’un artiste capable de se renouveler tout au long des soixante années qu’a duré son parcours. Certaines ont été rarement exposées jusque-là.

 

Créateur assez unique par son autodérision et son côté post-dadaïste (les titres des œuvres en témoignent comme ce « c’est n’importe quoi « souvent proféré dans les musées par des néophytes), Morellet était un électron libre, un pionnier admiré notamment par Fontana qui fut un de ses premiers collectionneurs. Très tôt, dès les années cinquante il commence à utiliser à côté de la toile, du bois et du métal des matériaux industriels comme le néon, en même temps que Dan Flavin ou Martial Raysse mais avec un propos différent, éblouir souvent littéralement le spectateur. Il fait exploser le cadre étroit du tableau, joue de matériaux éphémères, désacralise la posture de l’artiste qui s’est cru maudit et inspiré. Morellet n’avait vraiment rien de maudit car il restera chef d’entreprise jusqu’en 1975 – héritier d’une usine de jouets d’enfants qu’il a dirigée durant 25 ans tout en étant un peintre du week-end- et sera connu assez vite sur le plan international. En soixante ans de création il compte finalement 540 expositions personnelles, de Berlin à Séoul en passant par la Louisiane.

L’œuvre comme auberge espagnole

Morellet se donnait des contraintes pour créer ses œuvres, des formules mathématiques faisant virevolter angles droits ou plus ou moins obtus, des règles strictes qu’il transgressait soudain violemment. Une « rigueur dérisoire « « explique Didier Arnaudet le curateur de cette exposition qui livre un autre Morellet, comme celui qui crayonne pour tromper le vide des vacances. Pour qui connait davantage ses interventions dans l’espace urbain sur un bloc entier d’immeubles haussmanniens, cette exposition intéresse par son rapport très différent à l’espace.

 On connaît sa ferme volonté de laisser au visiteur une part à jouer. Comme de choisir le rythme d’allumage d’un tube de néon par exemple ou sa façon de faire exploser les limites du   tableau   comme Carl André interrogea le volume de la sculpture. C’est le pas de côté qui séduit chez Morellet, sa façon d’échapper à la répétition, à l’auto – citation, de se surprendre et de nous surprendre. Sa générosité aussi « les œuvres d’art sont des coins à pique-nique, des auberges espagnoles où l’on consomme ce que l’on apporte soi-même « remarquait-il en 1971.

Dormir tout près des oeuvres

Installée dans une White room juste à côté des chambres d’hôtes couleur de lait, les œuvres datent pour certaines datent des débuts où se perçoit encore l’influence de Mondrian (5 bleus différents de 1953, une huile sur toile), d’autres provocantes explicitent bien les révoltes des années soixante-dix et d’autres encore produites dans les années 2000 s’intéressent aux transformations.

Plein d’énergie Ni rond, ni pointu, ni carré n°2 (2011) reprend une thématique chère à l’artiste d’un système indécidable, ouvert, fragmenté dans une tension perceptible. Assez irrésistible NON et NON, peinture sérigraphique sur bois datant de 1970 déborde de vitalité comme le serait un refus virulent exposé sur tous les tons. Il ne faut pas faire l’impasse sur l’intéressante vidéo réalisée l’an dernier par la galerie suisse Hauser & Wirth qui présente interviews et extraits d’archives sur cet artiste vif-argent.

 

Il arrive souvent de croiser Céline Villars-Loubet et Jean-Pierre Foubet qui gèrent le château Chasse-Spleen et son Centre d’art, c’est l’occasion de discuter avec eux de la façon dont ils développent leur importante collection.  La visite peut se prolonger dans le parc lui aussi ponctué d’œuvres contemporaines et pourquoi pas en restant loger dans les chambres d’hôtes installées à proximité immédiate des œuvres. Il sera assez difficile de résister à goûter les vins de ce domaine connu pour son Médoc caressant et de ne pas céder à l’appel du  séduisant millésime 2015 dont le fruité, les tannins fondus et le palais sont éminemment plaisants. (220 euros petit déjeuner  compris, visite gratuite pour ceux qui s’offrent un flacon).

http://www.chasse-spleen.com

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Sabina Rotbart
journaliste en tourisme culturel, gastronomie et oenotourisme. [email protected]

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