Performance
Les images permanentes d’El Conde de Torrefiel au Festival d’Avignon

Les images permanentes d’El Conde de Torrefiel au Festival d’Avignon

31 July 2022 | PAR Didier Duplenne

 

Le collectif El Conde de Torrefiel présentait jusqu’au 26 juillet sur L’Autre scène du Grand Avignon et pour la première fois en France, un spectacle initialement crée en mai au Wiener Festwochen : Una Imagen Interior

Tanya Beyeler & Pablo Gisbert ont conçu une Installation / Performance visuellement très forte pour illustrer une réflexion sur la réalité.

Dès le début, le spectacle interpelle directement le spectateur via un écran de surtitres qui apparaît au milieu de la scène, dans un effet de distanciation immédiate assez malicieux, lui annonçant qu’il va voir un spectacle et décrivant l’action des deux techniciens qui sont devant lui en train d’installer un élément du décor. Donc tout de suite deux accès à la réalité : ce qui se passe sur la scène devant nous et ce que les surtitres nous disent.

Cette toile géante couverte de graffitis fluorescents qui est accrochée en fond de scène s’avère être, ou plutôt s’avère représenter (ce sont les surtitres qui nous le disent) des peintures rupestres dans un musée d’histoire naturelle et là, le rapport entre ce que nous voyons et ce qui est censé être commence à se distendre.

Plusieurs scènes vont se succéder, passant du musée à un supermarché, à une clairière dans la nuit où l’on célèbre un culte primitif, etc. Tout le spectacle est basé sur une juxtaposition des éléments qui le composent, construisant une réalité virtuelle. Le texte est constitué des seuls surtitres qui font office de narrateur, de commentateur, de chœur et qui pourraient exister par eux-mêmes, sous forme d’un article ou d’une démonstration.

Les six comédiens/performeurs, eux, resteront muets pendant tout le spectacle, jouant/mimant/illustrant les scènes et pourraient être un spectacle chorégraphique à lui seul.
Les décors sont simples dans leur concept, mais très puissants dans leur effet : le plateau, le fond de scène le fond de scène et les côtés seront habillés d’un rouge laqué, saturé encore d’un éclairage rouge, puis d’un bleu électrique (lumières de Manoly Rubio Garcia), puis de draperies évoquant de la lave en fusion, créant à chaque fois un effet de ‘’box’’ abstrait mais finalement très évocateur. Ces décors pourraient, eux, être présentés comme des installations d’art contemporains qui se suffisent à elles-mêmes.
La musique enfin (Rebecca Praga et Uriel Ireland), faite d’infrabasses, de sons électroniques est plus dans la sensation que dans la mélodie.

La réalité serait donc une construction mentale résultant d’injonctions diverses que notre cerveau combine consciemment ou inconsciemment. Le propos, dont on se demande s’il est naïf ….ou un peu ironique, prend toute sa force et garde sa fraîcheur grâce à la force visuel et sonore de la pièce et à la perfection sa réalisation.

Le travail du duo nous avait déjà beaucoup impressionné à Paris en 2016 dans le cadre du Festival d’Automne en 2016 avec ‘’La posibilidad que desaparece frente al paisaje’’, il confirme ici sa capacité à intriguer et captiver le public.. On pense au travail de Christian Rizzo, qui sait lui aussi créer des spectacles hypnotiques et quasi abstraits

Le spectacle sera présenté du 15 au 17 septembre à Essen dans le cadre de la Ruhrtriennale et le 24 septembre au Thétre Métastasio à Prato, puis à Paris, du 7 au 10 décembre 2022 à La Villette.

Visuel : Una imagen interior, El Conde de Torrefiel, 2022 © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

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