Arts
Beauté animale : bestiaire coloré au Grand Palais

Beauté animale : bestiaire coloré au Grand Palais

21 March 2012 | PAR Elodie Rustant

Le Grand Palais fait le choix de célébrer l’animal indépendamment de toute représentation humaine dans une exposition raffinée bien qu’un peu inégale.

La représentation de l’animal a toujours occupé une place importante dans le champ pictural, et a évolué avec le temps. Artistes et naturalistes de la Renaissance ont porté une attention particulière à l’étude méticuleuse de l’animal dans un souci de représentation naturaliste. C’est à cette époque que Dürer invente le Tierstück – littéralement « pièce d’animal » où il reproduit oiseaux et mammifères avec une extrême précision. De l’approche très scientifique jusqu’au traitement contemporain de Jeff Koons avec son caniche bouclé, le regard porté sur l’animal va évoluer. Portraits flatteurs des chiens de la Cour, chats langoureux de la période romantique, puis animaux exotiques derrière les grilles des zoos, symbole du despotisme humain sur le milieu naturel.

Le Grand Palais nous épargne les lieux communs et nous présente une sélection d’œuvres superbes, offrant un traitement très original de l’animal, loin des sempiternelles scènes de chasse à cour.
Des études de lions, magnifiquement exécutées par Peter Paul Rubens, témoignent de la virtuosité de son trait. C’est dans la ménagerie d’Albert, archiduc des Pays-Bas, que l’artiste aurait pu observer et étudier les fauves. Le Cheval gris de Géricault place le peintre comme maître absolu dans la représentation de cet animal. Le travail de la lumière porté sur la robe du cheval lui confère une sensationnelle puissance. L’animal devient un sujet en soi.

On salue l’élégante scénographie de Véronique Dolfus dont les chauds camaïeux de mauve, vert et brun mettent admirablement les œuvres en valeur. L’accrochage très épuré participe au grand confort visuel du spectateur.

On regrette cependant le côté un peu « fourre-tout » de l’exposition, notamment dans les premières salles où le lien entre les œuvres exposées reste superficiel. On passe d’études d’insectes aquarellées du XVIIe siècle à une étonnante vache de fil de fer exécutée par Alexander Calder, puis au Cheval au galop de Muybridge.

Le propos se précise davantage dans la suite de l’exposition, mais si les thèmes abordés offrent un éclairage très intéressant, ils ne sont hélas que survolés. La partie consacrée aux Préjugés esthétiques et moraux aurait notamment mérité plus d’approfondissement. Le choix des œuvres consacrées à l’étude de la figure du chat est remarquable. Le délicat chat angora de Jean Jacques Bachelier au pelage soyeux s’oppose à celui, famélique mais chargé d’énergie, sculpté par Giacometti. Sous le pinceau de Goya, le chat revêt une image effrayante presque démoniaque rappelant sa série Los Caprichos, alors que Manet offre une image emprunte de poésie de l’animal gracile et énigmatique.

De la même façon, on reste frustré que le thème Beauté et laideur ne soit pas plus développé. Certains animaux ont délibérément été exclus du champ de l’art car se rattachant à une imagerie négative ou même carrément diabolique. Ce sont des œuvres quasi inconnues qui sont exposées : un crapaud plus comique que repoussant, à la figure étonnamment humaine, exécuté par Picasso en 1936, une œuvre de Katharina Fritsch, Le Roi des rats dans laquelle l’artiste allemande détourne avec ironie nos croyances populaires. Enfin, une belle encre de chine de Louise Bourgeois, La Femme araignée.

Une belle exposition qui ne tombe pas dans le cliché mais dont le sujet, beauté animale, en réalité assez vague, méritait peut-être une problématisation plus précise.

Photos :

Paons, mâle et femelle, Melchior d’Hondecoeter © Service presse Réunion des musées nationaux – Grand Palais / Agence Bulloz

Tête de cheval blanc, Théodore Géricault, © Service presse Réunion des musées nationaux – Grand Palais / Thierry Le Mage

Stéphanie Bataille est Peggy Guggenheim Femme face à son miroir
Une bouteille dans la mer de Gaza de Valérie Zenatti
Elodie Rustant

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