
Livres numériques : la France rappelée à l’ordre
Jeudi 5 mars, la Cour de justice a donné raison à la commission européenne. La France devra rehausser le taux de TVA sur les livres électroniques à 20%. Décision économico-politique mais problématique philosophique et culturelle : un livre sans papier est-il un livre?
Une concurrence déloyale ?
Dans le cadre d’une politique culturelle en accord avec l’ère du temps, la France appliquait, depuis le 1er janvier 2013, une TVA réduite à 5,5 % sur les livres électroniques. Avec une TVA à 20 %, les syndicats d’éditeurs, de distributeurs et de libraires s’invectivaient contre cette décision. Concurrence déloyale ou refus de se positionner dans l’ère du numérique ? Avec la baisse des fréquentations en librairie et l’explosion du marché sur la toile, cette législation était perçue comme une attaque supplémentaire envers les passeurs de culture.
La France hors la loi
La Cour de Justice de l’Union Européenne a donc jugé cette décision illégale. Tout comme le Luxembourg, la France devra rehausser ses taux. À travers cette décision, c’est la concurrence déloyale des services numériques qui est remise en cause. Alors que le communiqué de presse du ministère de la culture signalait l’ambition de cette TVA réduite, à savoir « l’innovation dans la diffusion des savoirs et de la culture », « la Cours de justice a estimé que l’état actuel du droit de l’Union européenne ne permettait pas l’application de taux réduits au livre ». Ce jeudi, au micro de Patrick Cohen, Fleur Pellerin, ministre de la culture expliquait qu’« un livre, c’est un livre , qu’il soit sur support numérique ou sur support papier. Ce qui importe, c’est l’oeuvre ». Alors que la France était soutenue par l’Allemagne, la ministre regrette cette décision.
Des libraires, vendeurs d’aspirateurs ?
L’un des enjeux de ce débat est bien de repenser la définition du livre à l’ère numérique ? Certaines professions, comme les libraires ou autres commerçants de quartier, vont devoir s’adapter, à cette nouvelle offre technologique, et peut- être un jour vendre de l’électro-ménager comme certaines grandes enseignes culturelles s’y sont attelées dans les dernières décennies.
A l’heure des ipads, tablettes et autres machines permettant de stocker plus de livres qu’il ne pourrait y en avoir dans une bibliothèque, le rapport à l’objet se pose aussi. La page graphique de wikipédia ne vaudra jamais l’esthétique des 30 volumes de l’Encyclopedia Universalis. Certes, l’utilisation est facilitée et, dans le cas des livres, électroniques ou physiques, les contenus sont les mêmes. En revanche, dévorer un livre n’est pas seulement une question de vision et d’imagination, cet objet entretient aussi notre rapport au toucher et à la possession. Alors qu’en un clic, il est possible d’effacer un mauvais roman, il paraît néanmoins essentiel, à l’heure de la numérisation des services culturels, de s’interroger sur ces différentes questions.
Visuel : © Rémi Mathis