Politique culturelle
L’autre visage des mormons

L’autre visage des mormons

03 October 2012 | PAR Marie Pichereau

Avec des règles strictes liées à l’alimentaire, à l’éducation religieuse ou encore à un mode de vie particulier, la communauté mormone apparaît dans l’imaginaire collectif comme étant fermée, recluse et rétrograde. Cette vision dépassée est en pleine mutation. Les mormons se réinventent et se modernisent. De par leur omniprésence médiatique et culturelle, cette communauté laisse entrevoir les prémices d’un renouveau mormon; politiquement correct qui tend à s’écarter de ces pratiques jugées arbitraires.

Histoire et controverses:

Crédit: mormonbeliefs.org

Le mormonisme ou L’Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours, est née dans l’Etat de New York, aux Etats-Unis dans les années 1830. Se situant dans la branche chrétienne restaurationniste, elle revendique à ce jour près de 14 millions de membres, dont 36 000 en France. Le père fondateur de cette communauté est Joseph Smith. Personnage essentiel de l’église mormone, il est aussi lié à de nombreuses controverses plus ou moins vérifiées. On lui doit notamment la mise en place du mariage « plurial » ou polygamie et de la théocratie au sein de la société mormone ainsi que le plagiat de nombreuses oeuvres de son temps ayant permis la naissance du « Livre mormon ». La genèse même de cette institution reste donc floue. Elle laisse la porte ouverte à tous types d’interprétations et de jugements. Des faits récents étayent aussi cette mauvaise réputation. Depuis des années de nombreuses affaires créaient des désaccords et de vives polémiques à l’encontre de cette communauté. Procès pour abus sexuels, dérives sectaires, abus de confiance. La communauté se défend et met tout en oeuvre pour défendre son image, elle va jusqu’à censurer des oeuvres littéraires. Dans certaines écoles américaines comme dans l’Etat de Virginie, gérées par l’Abermale County School Board, certaines oeuvres jugées trop rétrogrades à l’égard des mormons sont littéralement bannies de la liste de lecture des jeunes collégiens. (Le récit de la première aventure de Sherlock Holmes). La communauté essaye donc tant bien que mal de détacher l’étiquette sectaire et nocive qu’on lui a attribuée. Le dernier débat provoqué par les mormons, concerne la construction du premier temple mormon en France dans la ville du Chesnay, commune de l’ouest parisien.

Acceptés ou rejetés, le fait est que les mormons campent désormais sur le devant de la scène médiatique. Autrefois réservé aux lointaines étendues de l’Utah le phénomène mormon dépasse les frontières de son Amérique natale est s’étend vers le continent Européen. Entre contestations et débats, le mormonisme fascine avant tout. La connotation négative qui entoure les valeurs et la culture mormone, commence à se lisser depuis peu et laisse entrevoir un nouveau visage. La preuve en est avec la forte popularité du candidat du parti républicain aux Etats-Unis: Mitt Romney, actuellement en course pour l’élection présidentielle. Au-delà de ces polémiques et des clichés bien reçus que l’on porte à l’égard de cette doctrine, il est intéressant de se pencher sur un autre versant de cette communauté. Versant qui justement leur permet à ce jour d’apparaître sous un nouveau jour. Qu’en est-il de la production culturelle mormone ? Se distingue t’elle des autres ? Y a t’il un art « premier » pour cette société ?

Cinéma

Avis à ceux qui se posaient encore la question, les mormons se démarquent dans le domaine culturel et notamment dans le 7 ème art. Un festival du cinéma mormon est d’ailleurs organisé tous les ans à Bruxelles depuis bientôt six années consécutives. Comme chef d’orchestre de la 6ème édition du festival « Le Moment Mormon », qui s’était déroulé en mai dernier; c’est Claude Bernard (enseignent universitaire en Histoire du Cinéma) qui s’est chargé d’éclairer nos lumières. Dans son discours prononcé à l’Institut de Religion de Paris en avril 2010, Claude Bernard possédait déjà l’envie de faire connaître et reconnaître ce cinéma au grand public. Démarche justifiée selon lui, par le fait que les mormons aient participé « à l’écriture, de quelques grandes pages du cinéma et ce depuis ses origines, depuis l’âge du cinéma muet. ». Ce sont donc des écrivains, des scénaristes ou encore des acteurs de renom, qui auraient apporté toujours selon Claude Bernard la « Mormon Touch » au cinéma. Il prend pour appuyer son propos les oeuvres suivantes: « Casablanca avec le couple mythique H. Bogart et Ingrid Bergman à des films à grand spectacle, allant des film traitant des thèmes religieux, type « Les 10 commandements » de Cecil B. de Mille jusqu’à des films plus récents dirigés par Steven Spielberg tels que Jurassic Park et Schindler’s List. “

Interrogé sur cette sixième édition du festival, Claude Bernard nous parle d’une année charnière pour la culture mormone. C’est un peu la renaissance pour cette communauté jadis très critiquée et mise à l’écart. Depuis peu, elle devient populaire et campe sur tous les terrains : À l’affiche de Broadway avec « The Book of Mormon », dans des émissions de télé-réalité comme « Les Brown », à des congrès et des colloques universitaires, et peut-être bientôt à la Maison-Blanche. Cette période particulière a été illustrée dans le choix de la thématique du festival intitulé : « Le Moment Mormon ». Une phrase qui fait écho, à la présence exponentielle de cette communauté sur le devant médiatique « culturel » et à l’intérêt nouveau qu’on lui porte. Comme pour montrer aussi l’importance de cette évolution, le festival a été rebaptisé: « Festival Mormon des arts et de la culture ». La deuxième édition Française du festival mormon du film se tiendra en mars 2013.

Des écrivains à succès

Crédit: Worldoftwilight.com

La société mormone se distingue également dans la littérature. Une forme d’art qui empreinte à la littérature populaire avec de temps à autre des incursions à la télévision et au cinéma. C’est une série de romans à succès d’écrivains membres de la communauté qui vont se vendre ces dernières années à des millions d’exemplaires. En première place on pense à Stéphanie Meyer et le phénomène « Twilight », que l’on ne présente plus. Cette Américaine de confession mormone, a réussi à fédérer une véritable communauté de fans autour de son histoire (plus de 100 millions d’exemplaires vendus à travers le monde). On retrouve également Brandon Mull, auteur à succès d’une série « Fablehaven ». Une oeuvre traduite en français qui s’est écoulée à plus de 125 000 exemplaires sur notre territoire. Autre auteur qui se démarque : Orson Scott Card avec son livre « Ender’s Game » (traduit en français: La stratégie d’Ender). L’adaptation cinématographique est en route avec comme acteurs principaux Harrison Ford et Ben Kingsley. La littérature mormone on l’aura compris tend vers des univers souvent fantastiques et merveilleux. Le mormonisme apparaît donc aussi comme une forte source d’inspiration pour ses membres. Ils mettent à l’honneur dans leurs romans, leurs croyances et les valeurs fondamentales de leur « religion ». Ces influences sont palpables dans certains de ces romans notamment avec « Twilight ». Ainsi on peut établir une comparaison entre Edward et Morini, l’ange mormon qui se tient au sommet des temples mormons, trompette à la main. Ce même ange qui a rendu visite à Joseph Smith en 1863, et qui selon le père fondateur: « rayonné de lumière ». Les mormons croient aux anges et au fait qu’ils peuvent être ressuscités en chair et en os. Bella décrit son petit ami vampire comme étant un ange. La peau de jeune homme a d’ailleurs pour particularité de scintiller à la lumière du jour. Autre point similaire dans l’oeuvre, l’importance de la famille ( pilier fondateur de la foi mormone) et les pratiques rituelles. Les deux protagonistes se marient avant de consommer leur amour. Une foi liée à l’être chère à Bella meurt et entame sa transformation vampirique. Cette scène peut être aisément assimilée au baptême exécuté par l’église mormone. Celui-ci symbolise la mort et l’enterrement de la personne charnelle et la renaissance de cette même personne. Ici Bella renaît à la différence qu’elle se transforme en vampire. Notons que ce dernier tome est intitulé « Révélation », il s’agit d’un titre du livre mormon et il peut aussi renvoyer à la fameuse révélation de Joseph Smith, qui lui permit de découvrir mystérieusement et de traduire “par inspiration” le Livre de Mormon.

L’église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, met donc un point d’honneur à « redorer » son image et à en donner une vision moins archétype et plus moderne à travers des oeuvres cinématographiques ou littéraires. C’est après tout le « Moment Mormon ». Dans un tel concours de circonstances et de profusion artistique, c’est l’occasion de se montrer sous son meilleur jour. Largement portée par la presse et la télévision, la communauté est reconnaissante et surtout liée aux médias. En novembre prochain, l’université Brigham Young en Utah présentera à juste titre un symposium, intitulé « Les moments mormons et les médias ». A savoir, l’église possède sa propre publication magazine depuis 1851 en France. Disponible dans nos kiosques parisiens sous l’appellation depuis 2000 du Liahona.

Tous en coeur

Dans la branche artistique musicale, les mormons se démarquent également dans un genre qui leur est propre : La chorale. Le Chœur du Tabernacle mormon, créé dans les années 184o, est à ce jours l’une des institutions chorales les plus réputées du monde. Il est formé bénévolement par plus de  360 voix et composé de 110 musiciens. Dans la comédie musicale, les mormons se sont également distingués avec « The Book of Mormon ». Une comédie délirante qui met en scène les périples de deux jeunes missionnaires mormons de Salt Lake City envoyés en mission en Ouganda. Elu « Comédie musical du siècle » par le New York Times, le spectacle à provoqué un ras de marée à Broadway, puis à New-York. Joué à guichets fermés, il a été encensé par la critique. Par la suite, la comédie a raflé pas moins de 14 nominations au Tony Awards. Une première pour une comédie musicale.

Mormon in vogue ?

La culture mormone se met à la page également avec le monde de la mode. Fédérés par une communauté plus jeune, ces nouveaux membres concilient les règles strictes de leur religion avec la mode. A bas les clichés des missionnaires d’antan aux habits sombres et ecclésiastiques, les mormons tiennent des blogs pointus sur cette actualité. Nathalie Holbrook et son blog Nat the Fat Rat attire plus de 250 000 visiteurs par mois. La liste continue avec Design Mom, Rock Star Diairies, NYC taught me. Tous ont comme point commun, une large audience et des sujets centrés sur la mode,  le design et l’art de vivre.

Les mormons sont-ils en proie à devenir hypes?

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A petites pierres, le texte de Gustave Akakpo magistralement servi au Théâtre de Belleville
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Marie Pichereau

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